Derrière ce très beau titre, "du soleil pour les gueux", se cache une fable absurde qui ne semble pas avoir d'égal dans son genre. Du vrai cinéma, avec une post synchronisation un peu foireuse durant une ou deux scènes, mais du vrai cinéma malgré tout, filmé avec quatre acteurs, dans des paysages magnifiques (du sud de la France ?).
Pour bien comprendre à quel genre de film on a à faire, le générique de fin commence par citer le "chef de cuisine"... et si ça ne vous suffit pas, on a une fille qui chercher des des bergers d'ounayes... Bête assez féroce servant à faire peur aux enfants qui ne sont pas sages.
Et à partir de là, on a un film à la fois drôle et tendre qui finalement malgré son aspect de fable traite assez bien des maux contemporains. Parce qu'il est question de la protection des bergers, de l'attachement à la terre, de la vacuité du salariat, de la vacuité de la vie. L'héroïne pose très bien la question, à quoi ça sert de vivre pour passer le temps, même de manière agréable, puisque de toute façon le temps on est obligé de le passer... Il passe sans que l'on ne fasse rien.
On se rend bien compte également que le salariat est de la poudre aux yeux, que l'on travaille pour se payer juste un peu de quoi passer le temps, de quoi rendre ce temps qui coule moins pénible, mais ça ne donne pas une raison de vivre.
Cependant, le film n'est pas déprimant, loin de là. On a deux types qui se poursuivent durant tout le film, qui croisent l'héroïne à plusieurs reprises. Et ceux là... c'est tellement absurde que ça en devient assez délicieux. Dans la première scène du film, on a cette fille qui marche d'un pas décidé à la recherche des fameux bergers, un type débarque en arrière-plan en courant à toute allure... puis rebelote un peu plus tard... C'est tellement étrange, "chez nous" on ne se déplace pas en courant... On apprend après qu'il s'agit d'un meurtrier qui est poursuivit, non pas par un chasseur de primes, mais par un "guerrier de poursuite". Rien que ça.
Et là, je me rends compte que j'ai raté ma vie, que le métier que j'aurai voulu faire c'était ça, guerrier de poursuite. Le métier consiste à courir après des mecs, plus ou moins vêtu, à travers le monde. Ici, on parle d'un type, en marcel, avec un bonnet et en caleçon avec un sac plus gros que lui qui court pendant tout le film.
Difficile de ne pas sourire.
Bref, j'aime beaucoup ce genre de film, qui arrive à la fois à être grave et léger, qui parvient à toucher du doigt des choses profondes, sans jamais en faire des caisses et qui n'oublie pas d'être beau. Par certains aspects ça me rappelle un peu Ma Loute (en moins déjanté peut-être, mais en plus fabuleux).
Ce film, contrairement à "le roi de l'évasion", étant donné qu'il est très court, moins d'une heure, arrive à être assez synthétique pour ne jamais lasser et être, malgré le fait qu'il ne se passe rien, toujours extrêmement agréable à regarder. Il faut noter aussi, que c'est le premier Guiraudie que je vois sans histoire d'homosexualité...