Mensonges
Le 1er film de Sylvain Desclous date de 2016, Vendeurs, était plus que prometteur. Ces 105 minutes de thriller politique confirment le bien qu’on pouvait penser de lui. Madeleine, brillante et idéaliste jeune femme issue d'un milieu modeste, prépare l'oral de l'ENA dans la maison de vacances d'Antoine, en Corse. Un matin, sur une petite route déserte, le couple se trouve impliqué dans une altercation qui tourne au drame. Lorsqu'ils intègrent les hautes sphères du pouvoir, le secret qui les lie menace d'être révélé. Et tous les coups deviennent permis. Un film sur le mensonge, les dessous – pas très nets – de la politique, avec un suspense savamment entretenu et un casting de haute volée. A voir absolument
Pourtant les premières minutes m’ont fait craindre une grosse déception. Les clichés s’accumulent – les bourgeois méprisants et sentencieux, - les hommes sont veules et les femmes rongées d’ambition -, la jeunesse aux idées, voire utopies, qui se veulent résolument de gauche, le corse irascible… n’en jetez plus, la cour est pleine… Et puis, le drame… Tout bascule dans la vie de ce jeune couple brillant, ambitieux et dont l’avenir brillant paraissait tout tracé. Le scénario se nourrit des mensonges des uns et des autres – pas un personnage n’échappe à l’engrenage qui va les broyer. Mensonge amoureux, mensonge politique, mensonge criminel, le rythme s’accélère jusqu’à devenir étouffant. C’est très bien écrit, subtilement mis en scène et incarné à merveille par une brochette d’acteurs et d’actrices au sommet. Ambitieux, dérangeant, ce film interroge avec finesse les limites de l’exercice du pouvoir et de l’engagement politique, tout en analysant les mécanismes de survie que chacun de nous est capable de mettre en mouvement. Très fort.
Tout en haut de l’affiche – et on a de plus en plus l’impression qu’elle n’est pas là d’en redescendre -, Rebecca Marder impressionne en héroïne complexe et ambigüe. Benjamin Lavernhe est dégoulinant de lâcheté et de duplicité… quel acteur ! Et surtout n’oublions les partitions jouées par Marc Barbé et Emmanuelle Bercot, qui, dans des registres très différents, apportent des pierres décisives à ce bel ouvrage. Ni pathos, ni cynisme, mais un constat troublant – et un tantinet désespérant -, sur les ressorts qui pourraient faire renaître la gauche dans notre pays. Et puis, quel twist final ! La fin justifie-t-elle les moyens ? Peut-on changer le monde si on a les mains sales ? Est-ce que le combat d’une Greta Thunberg se trouverait discrédité ou disqualifié si on découvrait quelque chose d’horrible sur elle ? A vous de juger.