Comme le feu, drame de Philippe Lesage
Les films d’aujourd’hui font souvent 2h30. Quelle prétention ! lit-on. Que de silences perdus ! Pas en visionnant « Comme le feu » : silences et étirements révèlent davantage que dialogues et actions.
Deux cinéastes se retrouvent après des années de brouille. Depuis que l’un a quitté la fiction pour le docu, se marginalisant. Depuis que l’autre a trahi ses principes idéalistes et écrit des films d’animation pour la télé, s’embourgeoisant. Le premier invite le second, accompagné de sa fille, Aliocha, son fils et un copain du fils, dans son chalet retiré au cœur de la forêt canadienne, inamicale. L’affiche présente le film comme l’alliance entre Rohmer et Délivrance. Moi je dirais : un mix de Festen et de Délivrance. Dès le premier souper, les rancœurs et les ressentiments se déversent. Bientôt un couple du même écosystème rejoint le chalet. Témoins passifs en apparence, ils deviennent un nouvel enjeu. Le premier étant Aliocha : le maillon faible. Naïve et jeune, la belle écrit, espère devenir écrivain, observe et s’encanaille : une proie livrée sur un plateau. On ne lui demande pas son consentement, on la manipule pour mieux atteindre le père, pour mieux humilier. C’est l’escalade. Toute la noirceur des sentiments humains défile : jalousie, orgueil, luxure, colère, gourmandise, avarice, paresse.
Paysages somptueux, bande-son lyrique et rock'n'roll : un film sophistiqué et anxiogène, qui donne à réfléchir, lentement, en pleine conscience, porté par des acteurs qui rivalisent d'excellence. Et après, que que retient-ton de ces combats de coqs enflammés ? La littérature (Dostoïevski), le cinéma (Ingmar Bergman), la poésie (Émily Dickinson).