Camp, te reverrai-je ?
Denis Côté, dont c’est ici le 15ème film, est un inconnu pour moi. Il faut dire que le cinéma québécois traverse étonnement peu l’océan. Et c’est bien dommage parce qu’il semble vouloir dire des choses.
Quelque part dans la campagne se tient un camp qui permet à des jeunes femmes de faire le point sur leur sexualité chaotique. Elles sont trois et accompagnées d’une thérapeute et d’un éducateur.
Il ne faudra pas se fier aux premières minutes du film qui sont parfaitement désagréables en se la jouant film d’auteur, caméra à l’épaule en mode « regardez comme mon cadrage est innovant ». On ne se fiera pas non plus à l’écriture des dialogues de ces premières minutes : des personnages qui ne se regardent pas et mettent 15 ans à se répondre. On aurait voulu faire une caricature du film arty intello, c’est exactement tout ça qu’on aurait fait. Bref, passons car la suite se montre plus sobre. Ce qui compte ici, de toute façon, ce sont les personnages et en particulier les trois nanas. On met un moment à les connaître et elles seront définies par leur « déviance » ou par ce qui caractérise leur désir peu commun. Là, on entre dans le dur. Ça faisait un moment que je n’avais pas vu un film aussi explicite dans le verbe. Face caméra, les unes et les autres vont expliquer le parcours qui les a mené où elles sont aujourd’hui. Plus tard, on les verra aussi céder à leurs pulsions et à leurs phantasmes. Pendant ce temps-là, la thérapeute elle-même a quelques soucis. Bon. C’est plutôt intéressant et on se laisse happer par le récit mais qu’est ce que ça raconte ? On pourra d’abord se poser la question du point de vue. Car finalement à qui appartiennent les phantasmes ici exposés ? Majoritairement, ils ressemblent aux poncifs hardcore du phantasme masculin (la fille facile, le bondage, les trucs à plusieurs, l’humiliation …). Le propos est-il de dire que ces/les femmes sont victimes de l’imaginaire patriarcal ? Qu’elles cherchent leur place dans cet univers ? Elles auraient une mauvaise compréhension de l’échelle de valeur par l’adaptation à cet imaginaire ? Oui, pourquoi pas mais c’est bancale. Et puis finalement, ce film qui dit sans cesse qu’il n’est pas là pour juger propose un regard parfois assez misérabiliste. Dernière question, est-il opportun de comparer la situation d’une nana à la sexualité ouvertement libérée avec deux autres qui ont elles été victimes de violences sexuelles et qui paient de leur chair le traumatisme subi ? C’est pour le moins douteux. Bref, si le film semble s’aventurer sur les terres de Catherine Breillat, il ne semble jamais en avoir la légitimité ni la force. Et au final, il pose moins de questions. Malgré tout ça, l’ensemble reste plaisant et le petit suspens entretient l’intérêt. On a aussi mille raisons de se réjouir de la performance du casting, les trois nana et Samir Guesmi en tête.
En clair, ça ne s’adresse pas à tout le monde et c’est assez déconseillé pour une séance familiale. Pour le reste, le bilan est en deçà des attentes même si le film n’est pas sans intérêt. Sur des problématiques proches, il faudra peut-être préférer la très longue filmo de Catherine Breillat.