Le feu qui couve
C’est en 2019 que j’ai vu mon 1er film signé du brésilien Karim Aïnouz, La vie invisible de d’Euridice Gusmao… une superbe découverte, car à 58 ans il est loin d’être un débutant. C’est donc plein d’entrain que je suis allé voir ces 120 minutes de drame historique. Catherine Parr est la sixième femme du roi Henri VIII, dont les précédentes épouses ont été soit répudiées, soit décapitées (une seule étant décédée suite à une maladie). Avec l’aide de ses dames de compagnie, elle tente de déjouer les pièges que lui tendent l’évêque, la cour et le roi… Le portrait d’une féministe avant l’heure dans un drame historique remarquable de beauté et magnifié par un casting en état de grâce.
Même si je ne suis pas un grand spécialiste- il s’en faut -, de l’histoire du 16ème siècle anglais et donc d’Henri VIII, il me semble évident que la vérité historique doit en prendre un sacré coup dans l’aile ce qui ne manquera pas de faire réagir les puristes. Mais, on doit reconnaître que c’est la 1ère fois qu’on s’intéresse vraiment au personnage de la 6ème et dernière femme de ce tyran, la seule qui lui ait survécu, Catherine Parr. Brillante, cultivée, émancipée, cette femme ne pouvait que déranger l’église anglicane et la cour dans son ensemble, situation admirablement décrite dans ce drame constamment entre horreur psychologique et thriller politique. Tout, ici, est oppressant, de la nature envahissante et angoissante jusqu’aux jeux de pouvoir et conspirations qui bruissent en permanence dans les couloirs glacés d’un château royal qui a tout d’une prison. Karim Aïnouz s’est bien gardé de réaliser un biopic, se focalisant sur les derniers mois de la vie du roi, pour nous proposer un film viscéral sur des relations humaines totalement perverties par les luttes intestines qui opposent les pouvoirs politique et religieux. Revers de la médaille, le film est parfois très lent, empesé comme les costumes, et aussi sombre que les éclairages. Toutes les intrigues de politico-religieuses sont, elles aussi, parfois difficiles à comprendre pour le spectateur lambda que je suis. Mais l’intérêt évident pour ce personnage de femme qui parvient à conserver vivace la flamme qui brûle en elle – d’où mon sous-titre, qui n’est autre que la traduction du titre original… bien meilleur que le titre français comme d’habitude ! -, emporte tout et fait oublier certaines pesanteurs de la mise en scène et du scénario.
Le choix de l’actrice suédoise Alicia Vikander pour camper la « 6ème femme de Barbe Bleue », a priori, peut surprendre, mais elle est parfaite de grâce, de courage et de détermination. Loin de ses personnages dans, Jason Bourne, Agents très spéciaux, ou de son incarnation de Lara Croft dans Tomb Rider qui l’a rendu célèbre, elle nous dévoile une nouvelle palette infinie de son talent d’actrice. Son affrontement avec un Jude Law méconnaissable et inquiétant qui est allé jusqu’à demander que soient diffusées sur le plateau du tournage des odeurs désagréables, afin que chaque personne présente sente la saleté et le pourrissement de son corps. C’est vous dire si on est allé loin dans le détail pour ce tournage auquel ont également participé avec bonheur Eddie Marsan et Sam Riley. On se laisse donc captiver par cette bataille royale aussi sinistre que le Haddon Hall, dans le Devonshire où a eu lieu le tournage.