J’attribue à cette production la bonne note de 14/20, et pourtant…
Quelqu’un qui n’a jamais entendu parler d’Henry VIII et de Catherine Parr ne pourra se faire une idée correcte des événements après avoir vu ce film qui se moque totalement de la réalité historique !
En effet, beaucoup de faits relatés dans le scénario ont été plus ou moins inventés : l’épidémie de peste anachronique, la cause invraisemblable de la mort du roi, l’action située dans un lieu inexact, l’importance exagérée donnée au début au personnage d’Anne Askew (et son incarnation bien trop «virile» et moderne) et par la suite à son influence, son amitié proche (voire plus ?) avec Catherine Parr, la trahison de celle-ci par Seymour (qui deviendra pourtant dans la vraie vie son époux après la mort du roi ; pas rancunière la Catherine !) avec cette histoire guère crédible de collier, d’ailleurs empruntée à Dumas (l’épisode des ferrets)…etc
Evidemment, comme la plupart des productions cinématographiques occidentales contemporaines, le propos global est maxi-féministe et en dehors du prince Edouard, mais qui n’est encore qu’un enfant, seules les personnalités féminines sont cultivées, ouvertes d’esprit, honnêtes, dévouées et désintéressées, et subissent de mauvais traitements physiques ou psychologiques (Catherine Parr bien sûr, mais aussi la jeune princesse Elizabeth, Anne Askew, les deux dames de compagnie et même, à un degré moindre, la princesse Mary). Les hommes sont montrés, au choix, veules, lâches, traîtres, bassement ambitieux, aveuglés par leur idéologie et leurs certitudes au point d’ourdir d’épouvantables complots. Bref, il y en a pour tout le monde masculin, à commencer par le roi, immonde et répugnant, obèse, puant, paranoïaque, cruel et violent… Au moins en ce qui le concerne, c’est vrai, il était devenu tel pendant les dix dernières années de sa vie !
Cependant, en dépit de cette absence de vérité historique et du gênant manichéisme féministe (il y avait sans doute aussi à l’époque de sacrées intrigantes et tout de même quelques braves types, non ?), j’ai bien aimé ce film. L’histoire, bien menée, se suit facilement et les acteurs sont tous à féliciter (la juste sobriété de l’excellente Alicia Vikander rend notamment encore plus éclatante la performance de Jude Law, méconnaissable en roi difforme, tyrannique et brutal). La musique discrète et les chansons correspondent aux différentes ambiances, la mise en scène affutée mettant notamment en exergue de sombres décors intérieurs restitue parfaitement l’atmosphère étouffante de cette fin de règne, les costumes, bien que je ne sois pas spécialiste de la «mode» au milieu du XVIè siècle en Angleterre, m’ont paru adéquats et de qualité, et surtout la belle photographie, très travaillée (superbe clair-obscur, bien maîtrisé), magnifie le jeu des comédiens par de saisissants gros plans sur les visages, de face ou de profil.
J’ai donc passé un bon moment dans ce cinéma et les deux heures de projection ne m’ont pas lassé. Il est dommage que le parti pris sexiste soit si caricatural et l’Histoire si peu respectée, ce qui nuit à mon sens à la qualité globale de l’oeuvre, pourtant très réussie sur la forme.