Son triomphe à Un Certain Regard, il y a quatre ans de cela, ne laisse pas Lukas Dhont s’intimider par les plus hautes marches de la Croisette. Son retour est signe de respect et compréhension, pour ses images qu’il capte dans l’intimité et dans les traumatismes de ses personnages. Il nous en avait fait un commentaire grinçant, sur une société qui rendait le genre stérile à toute approche artistique, refusant par la même occasion la conscience de celles et ceux qui ne recherchaient qu’une approbation sans arrière-pensée. Dès lors, le cinéaste belge sonde les tréfonds de son enfance, où il continue d’explorer les oppositions de genres et cette distance, qui l’a éloigné de ses amis et il nous exprime également une part de culpabilité, que tout spectateur peut également amputer à ses racines, suivant le milieu dans lequel il a pu évoluer.
Son discours reste néanmoins universel, sachant qu’il s’attaque au microcosme d’un collège, qui enferme certaines victimes de harcèlement dans le silence. Là où l’héroïne de « Girl » devait trouver un moyen de convaincre avec ses mots qu’elle ne peinait pas à sortir, ici, ce ne sont que des enfants, qui ont peur des reproches, peur de la solitude et peur de sauvegarder l’amitié à tout prix. Léo (Eden Dambrine) et Rémi (Gustav De Waele) se situent donc là, dans un schéma d’une grande simplicité, mais qu’un personnage va rapidement réfuter, blessant ainsi son ami, pour qui l’été ne s’arrête pas à des jeux de courses ou des bêtises à base de spaghettis. Leur relation est d’une sincérité à toute épreuve, hormis dans la cour de récréation, qui ne leur appartient finalement plus et qui les enchaîne à des conventions sociales, rebondissant d’un élève à un autre.
Chacun finit par détourner le regard, là où celui de spectateur cherche intensément à capter le leur, pour peut-être les accompagner dans leur réconciliation. C’est ce qui fait la force du récit, poignant par ses thématiques. L’équilibre sur la glace rejoint ces moments de méditation que Léo porte avec lui à chacune de ses chutes, fatalement de plus en plus lourdes à encaisser. Pour Rémi et ce dernier, leur armure imaginaire se fissure et il ne restera plus que les mères pour panser leurs plaies, visibles au-delà de leur vitalité, considérablement diminuée par l’épreuve qu’ils subissent. Léo s’enferme inconsciemment dans un modèle de virilisme, dont il ne ressortira pas indemne. La brutalité qu’i emprunte à une activité sportive viendra renforcer sa position, derrière des barrières sociales qui l’entrave d’une liberté pourtant acquise, mais dont la vision se trouve également occultée par une naïveté qu’il ne parvient pas à assumer.
Sans aller dans l’intrusion intempestive qu’Un Monde de Laura Wandel nous avait déjà proposée dans une école élémentaire, « Close » préfère composer avec la saveur d’une brise rurale, fuyant le plus possible les dialogues et valorisant le non-dit, jusqu’à se mordre la queue avec un dispositif redondant. Le rejet est donc à double tranchant dans cette étude du corps, qui se précipite autant dans les enlacements que dans les confrontations plus physiques. Dhont en fait l’éloge dans les déplacements latéraux, d’une grande vivacité et qui capte à merveille cette légèreté qui manquait à son précédent long. Pourtant, il a tendance à surappuyer cette angoisse, liée à une identité sexuée naissante et imposante, effaçant par-dessus tout ces rires et cette complicité qui s’échappent soudainement aux frères d’armes et amis pour l’éternité.