Si l’on a été peu attentif sur l’éthique de Spinoza et sa quête de la vérité, nul besoin de s’en faire. Le premier long de Catherine Therrien (Le bruit des mots) viendra nous accompagner et surtout nous rassurer dans une démarche pédagogique, qui semble fortement échappée à la société actuelle, bridée par ses propres critères et autres détournements moraux. C’est pourquoi il ne faudrait pas négliger les deux ex-enseignants de philosophie, Louis Godbout et Normand Corbeil, qui ont bâti un débat plus que pertinent de l’actualité jusque dans les souches des institutions, qui manœuvrent à coup de principes hypocrites. Le politiquement correct et autres facteurs déterminants de l’étude répondent par la dénonciation, mais avec la nuance nécessairement subtile qui viendra emporter un professeur et son élève dans un tourment, qui ne laisse ni place au sommeil, ni à aucune autre forme d’évasion possible. Ils se retrouvent là, devant un plaidoyer qui les musèle, autant qui les réconfortent dans leur liberté de pensée et de croyance.
Si la foi ne semble pas satisfaire le rôle d’argument, qu’en est-il de la raison ? Le dialogue découle dans ce sens, où le spleen ne serait qu’une des conséquences notables de l’ouverture d’esprit qui est convoqué dans les cours d’Etienne Brasseur (Patrice Robitaille). Cet enseignant, passionnant et passionné, revendique un élan de réflexion dans un cégep, qui n’hésite pas en entrer en contradiction avec ses valeurs ou slogans anesthésiants. C’est donc avec une notion de censure que l’on déguise une délicieuse discussion, qui mêle les croyances religieuses de Nacira Abdeli (Nour Belkhiria) avec celui qui a décidé de pénaliser sa citation poétique du Coran. Pourtant, le récit ne s’enferme pas dans un pamphlet manichéen, loin de là. Il en appelle d’abord à la raison, derrière des accusations douteuses, sévères et malheureusement authentiques. Alors que le siège d’Etienne est exposé la chaise musicale, nous trouverons de l’intérêt à défendre sa démarche pédagogique.
Un comité viendra ajouter de la pression sur sa vie, qui se dégrade de plus en plus, au même rang que ses principes qui s’effacent peu à peu derrière les apparences et les failles de l’éducation. Outre la pertinence des enjeux, la réalisation ne garantira que l’isolement nécessaire des personnages, comme des spectateurs ayant accepté de participer à la discussion, qu’elle soit fermée ou ouverte, du moment que les arguments se manifestent avec intensité. Quelques trames secondaires, dont une fraîchement greffée autour d’une élève pour qui la passion se transforme en un jeu de séduction, témoigneront essentiellement d’un modèle de bienveillance défaillant, à l’heure où le numérique règne en maître sur une jeunesse, parfois indifférente face à la vérité qu’elle ne comprend pas ou qu’elle ne distingue pas. Mais avec un cadre resserré sur le procès à venir, on se laissera tout de même subjuguer par l’appel d’une dissertation, habilement participatif.
La cohérence du discours gagne donc à être entendue et couvée par un courant de pensée libre et pleine de justesse, même lorsqu’on insiste sur les doutes qui peuvent nous hanter. « Une Révision » s’impose donc avec élégance et nous paralysera également, au nom d’un respect mutuel, dans un échange ouvert, mais entravé par cette même raison, complice de l’uniformisation et autres forment de dépendances, qui relèguent l’éloquence, l’écoute, la conscience et la culture à l’état d’embryon.