L’Allemagne a eu raison d’envoyer ce long-métrage aux Oscars pour la représenter dans la catégorie du meilleur film étranger. Dans la même veine que notre champion national « Anatomie d’une chute », ce long-métrage à l’écriture parfaite et implacable est la première petite claque de 2024. Constamment sous tension, haletant et oppressant, il mêle habilement drame et suspense dans le contexte d’un collège germanique où une enseignante va vivre une véritable épreuve psychologique suite à un engrenage totalement fou. « La salle des profs » est le genre de film qui nous met KO et nous fait rager tellement ce qu’endure le personnage principal nous révolte et nous prend aux tripes...
Tout commence avec des petits vols dans un collège allemand de province qui vont provoquer des réactions en chaîne et véritablement impacter une professeure, fraîchement arrivée, et la pousser dans ses retranchements. Sur ces prémisses, le cinéaste turc Ilker Çatak va tisser un suspense à couper le souffle qui nous happe durant une heure et trente minutes de la première à a dernière image. Un véritable tour de force inattendu à l’écriture ciselée confinant à la perfection. Après « La Vague », autre monument de cinéma germanique se déroulant également dans le milieu scolaire, on peut dire que l’école sied admirablement bien au cinéma allemand.
C’est le premier film du cinéaste allemand d’origine turc à sortir en salles, ses autres productions passées étant destinées à la mythique chaîne franco-allemande Arte. Et pour une première, c’est un coup de maître tant « La salle des profs » ne souffre d’aucun défaut notable si ce n’est sa fin quelque peu abrupte et sibylline. Elle peut se défendre mais il est vrai qu’on aurait aimé une conclusion plus parlante. En revanche, on comprend le choix des décisionnaires culturels allemands d’avoir choisi ce film pour les représenter puisqu’il fait finalement partie des cinq finalistes qui vont concourir pour la statuette dorée (même si ses chances sont minces face à d’autres concurrents plus prestigieux et surtout le probable gagnant qu’est « La Zone d’intérêt »). Rappelons que « Anatomie d’une chute » n’a pas été choisi par la France mais que le film fait un beau pied de nez au comité de sélection puisqu’il concourt dans cinq catégories reines.
Notre Palme d’or 2023 a d’ailleurs beaucoup d’accointances avec ce petit bijou de cinéma qu’est « La salle des profs ». Un scénario proprement machiavélique et extrêmement captivant malgré son côté verbomoteur, un suspense très bien négocié et addictif, une actrice principale en état de grâce et un climat oppressant du meilleur effet. Ici, le tempo narratif est impeccable et la tension ne retombe jamais. Les événements vécus par cette enseignante bien sous tous rapports sont agaçants et obligent un certain investissement du spectateur qui peste contre les développements de cette affaire et les injustices et incompréhensions ayant court. On pense un peu à ces œuvres où des personnes saines d’esprit sont internées contre leur gré ou celles qui voient une injustice flagrante, quelle qu’elle soit, impunie.
Léonie Benesh est impressionnante en professeur de mathématiques qui va être victime et partie prenante d’une affaire rocambolesque ayant des conséquences sur les élèves, les professeurs, l’administration et toute la vie scolaire d’un lycée. Comme des dominos qui s’abattent selon le principe d’une réaction en chaîne donc, un acte de vol va complètement influencer quelques jours de sa vie au lycée. La caméra alerte et toujours en mouvement ne va jamais lâcher les semelles de l’actrice, participant à l’immersion dans ce microcosme singulier qu’est un collège. Benesh, dans la moindre de ses expressions, nous fait partager toutes ces émotions de manière optimale entre résilience, crainte, incompréhension, empathie et révolte. Une prestation hors du commun dans la lignée de celle de Sandra Hüller.
« La salle des profs » est court, resserré, ne perd pas de temps avec des circonvolutions inutiles et brosse aussi le portrait d’un système éducatif sur le qui-vive où les enseignants peuvent être coincés entre élèves irrespectueux ou difficiles, parents susceptibles et incapables d’entendre une critique de leur progéniture et direction marchant sur des œufs. Entre racisme, harcèlement, préjugés, manque de moyens, on croque le système éducatif de manière universelle par le biais d’un thriller malin et terriblement addictif. Une excellente surprise que ce long-métrage qui mérite d’être vu par le plus grand nombre et dont on ne ressort pas indemne, mais sonné, essoufflé et conquis. Une œuvre humble mais surprenante et qui coche toutes les cases d’un suspense malin et réussi.
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