Gainsbourg est réputé chez les cinéphiles pour s'être fourvoyé, de près ou de loin, dans des bagatelles du 7e art indignes de ce dernier comme du talent du personnage. Slogan est le film de la rencontre de l'homme à tête de choux et de Jane Birkin, mais il n'est un édifice de leur mythologie que sur le papier, ou sans doute derrière l'écran. Parce que dessus, c'est la disette.
Un publicitaire à qui tout réussi s'éprend d'une jeune anglaise, laissant de côté son épouse, une BCBG coincée. Bien qu'il n'arrive pas à se décider à divorcer, il passe désormais le plus clair de son temps avec sa maîtresse, à mêler travail et plaisirs.
Ce n'est même pas une métaphore, c'est une schématisation des expériences rapportées et de l'aura du duo [tout est écho, voir reproduction, de leur biographie]. Jane Birkin enfonce le clou de sa propre caricature [en d'autres terme, elle synthétise tout son être avant même que le public l'ait encore cerné ou même découvert - mais tout cela, sans calcul de sa part], ou la jeune ingénue scandaleuse ne ressemble qu'à un mélange de gorille autiste et de castor allumé. Gainsbourg idem, cabotin en puissance, piètre acteur encore, alors qu'il saura mettre sa déchéance en scène une décennie plus tard. Gainsbarg n'existe pas ici, aussi la mise en scène de l'imagerie d'Epinal gainsbourienne, envoyée, sacrifiée pour le seul leitmotiv de l'illustration, est d'autant plus inconséquente. Les petits pics envoyés à la société, en général et celle du spectacle, étaient déjà dérisoires. Slogan ne pouvait surprendre qu'une France profondément gaulliste ; à une Jane en culotte et un divorce près, il ne la dérangeait même pas.
Il faut s'y résigner, Slogan n'est qu'un nanar des seventies au style très français, à ceci près qu'il se voudrait élégant. Sa forme besogneuse l'en empêche [tout s'enchaîne d'une manière brutale, totalement abrupte - il n'y a quasiment aucune science du cinéma, même primitif, à l'oeuvre], autant que d'être le porte-étendard envisagé par Grimblat (le réalisateur) et Gainsbourg. Slogan ne sert qu'à occuper une fonction de long clip promotionnel, sorte d'écrin pour afficher ses parti-pris, ses idéaux sur la vie, sur la façon dont le Monde tourne, celle qu'on lui serait gré de suivre. Il a le mérite, au moins, de n'être qu'une balade narcissique qui ne cherche jamais à se justifier par une quelconque structure narrative [c'est proche du degré zéro]. Une visite guidée sans fièvre, une carte postale bâclée : du coup, ce produit ne réussit même pas à être la peinture d'une époque -ou de ses revendications-. Raté complet pour un slogan sincère, creux et timide, réduisant Gainsbourg à l'état de rebelle sans cause.