En 2010, le critique cinématographique Jean-Baptiste Thoret souhaite rencontrer Michael Cimino pour y dresser son portrait dans Les Cahiers du cinéma. Ce dernier accepte à la seule condition que cet entretien soit l’occasion d’un road-trip « si vous voulez comprendre mes films, vous devez voir les paysages où ils ont été tournés ». Voilà comment a débuté ce road-trip de plus de 2500 miles à travers les États-Unis, de Los Angeles au désert Mojave, de Las Vegas au Nevada, jusqu’aux Rocky Moutains du Colorado. Ces échanges ont été enregistrés et publiés par la suite en 2013 dans "Michael Cimino, les voix perdues de l'Amérique" et plus récemment, sur ARTE, il en a tiré ce documentaire de 52min : Michael Cimino : God Bless America (2021).
10ans se sont écoulés depuis cette rencontre, riche en enseignements et en anecdotes. Depuis, Michael Cimino s’en est allé (il est décédé en 2016 à l’âge de 77ans), mais le cinéaste continu de hanter Jean-Baptiste Thoret qui s’est replongé dans ses enregistrements et est parti à la rencontre de ceux qui l’on côtoyé, de près comme de loin.
Durant l’hiver 2020, il s’est rendu aux États-Unis, sur les traces de cette Amérique réelle & fantasmée par Cimino, celle qui a magnifiée chacun de ses films, de l’Ohio en passant par le Montana, de l’Utah au Colorado, jusqu’en Arizona. Un voyage de 130min durant lequel le réalisateur revient sur la carrière de Cimino, avec ses hauts et ses bas, ses réussites et ses désillusions. De ses 5 Oscars pour Voyage au bout de l'enfer (1978) au fiasco qui a poussé à la banqueroute United Artists avec La porte du paradis (1980), la carrière de Cimino est à son image, complexe et difficile à cerner.
La première partie du film s’intéresse essentiellement à Voyage au bout de l'enfer (1978) où le réalisateur a posé sa caméra à Mingo Junction à la rencontre de ses habitants. Cette ville sidérurgique se meurt à petit feu depuis que l’aciérie a cessé d’être son poumon économique. Ces derniers se souviennent parfaitement de l’arrivée de Cimino dans leur petite ville, le tournage du film jusqu’au casting sauvage (avec des métallurgistes recrutés à la sortie de l’usine). La seconde partie quant à elle, s’intéresse à l’autre grand film du cinéaste, le maudit La Porte du paradis (1980), dont on connait que trop bien sa destinée tragique. Le film évoquera (ou survolera) aussi ses autres films, Le Canardeur (1974), L'année du dragon (1985), Le Sicilien (1987), La maison des otages (1990) ou encore Sunchaser (1996). Mais ce documentaire se focalise essentiellement sur les deux principaux films du cinéaste, entrecoupé par les interventions des habitants de Mingo Junction qui ont assistés (et/ou participés) au tournage, ainsi qu’à trois grandes figures hollywoodiennes : Oliver Stone, Quentin Tarantino, James Toback & John Savage (qui incarnait Steven dans Voyage au bout de l'enfer).
Grâce aux enregistrements sonores réalisés en 2010, le film s’avère être une brillante immersion dans la psyché du cinéaste, de ses désirs à ses ressentis, de ses anecdotes (le souhait de Clint Eastwood de lui racheter le script du Canardeur (1974), ce que Cimino refusa catégoriquement) jusqu’aux films qui ne verront jamais le jour, comme le remake du Rebelle (1949) de King Vidor (Clint Eastwood craignant trop la comparaison avec Gary Cooper, il déclinera le rôle).
Michael Cimino - Un mirage américain (2022) est bien plus qu’un film sur un cinéaste de talent, ce documentaire s’avère aussi dense que riche en témoignages, le tout, magnifié par de somptueux plans en CinémaScope des décors de l’Amérique profonde et des paysages que n’aurait pas renier John Ford.
● http://bit.ly/CinephileNostalGeek ● http://twitter.com/B_Renger ●