L’Etang du Démon est un très bon film. Pour ma part, si j’aurais quelques défauts à lui trouver, ce serait certaines longueurs, des scènes un peu trop étirées, un léger surjeu de certains acteurs avec d’inévitables moments comiques assez lourds dans un film qui n’en avait pas besoin. Heureusement, ces passages sont finalement assez peu nombreux et restent quand même dans les limites du supportable. A noter également une photo qui, tout en étant par ailleurs très belle, notamment lors d’une scène de crépuscule, est quelques fois trop sombre, et comme le film est souvent nocturne, ça gâche un peu le plaisir de l’image qui est pourtant très réussie. La mise en scène, les décors, la photographie, même les effets spéciaux pour l’épilogue sont franchement remarquables dans leur globalité. Le film est d’un grand raffinement plastique et même si certaines scènes sont clairement tournées en studio, c’est d’un tel soin dans le détail que ce n’en est en vérité que plus féérique ! Féérique en effet, car le film verse dans la fantasy, et même plus encore, dans le conte. Sincèrement, je me suis retrouvé plus d’une fois à me dire « je suis dans la caverne de la rose d’or en version asiatique ! ». C’est un peu dans le même esprit, avec des créatures de contes dans des décors peints ou en carton mais qui séduisent par leur esthétique, et un scénario qui, aux 3 quarts, nous convie à suivre une trame de conte pur et dur. Il y a des princesses, des amours contrariés, des malédictions, un lac étrange… Hormis les longueurs évoquées, ça se laisse suivre sans déplaisir particulier, car c’est délicieusement romantique, et en plus de ça, il y a tout l’exotisme japonais que l’on ne voit pas souvent traité ainsi. Pas de sabres, pas de samouraï ici, mais plutôt une exploration des mythes et des traditions artistiques et culturelles du Japon, notamment à travers la présence quasi-continuelle du théâtre d’une façon ou d’une autre. L’intrigue, d’abord assez réaliste, bascule dans la féérie puis, délivre un épilogue aux aspects quasiment bibliques ! D’ailleurs, c’est marrant, mais ce film dégage aussi beaucoup de symbolisme chrétien et c’est très net dans l’épilogue qui vient cloturer de façon spectaculaire un film souvent surprenant.
Surprenant, il l’est notamment à travers son casting, puisqu’en effet les deux premiers rôles féminins sont ici jouées par un homme ! Très honnêtement, les personnages dans le film ont beau dire que c’est la plus belle femme du village, malgré son maquillage généreux je dois avouer que j’avais remarqué que c’était pas trop mon type, néanmoins, l’acteur est très bon et ça nous ramène, comme je disais, à cet esprit très théâtral qui se dégage du film et aux traditions japonaises. Les acteurs principaux Go Kato et Tsutomu Yamakazi sont aussi très bons. Je reconnais que dans les seconds rôles ça cabotine davantage, dans l’esprit asiatique, mais la dimension féérique du film, les rôles de ces acteurs (un poisson chat, un crabe, notamment), permet de faire passer relativement bien la sauce.
Enfin, je ne peux conclure sans saluer l’excellence de la bande son électronique, vraiment au top et qui sert parfaitement le propos. Je ne redirai jamais assez que la musique électronique est idéale pour un voyage planant et féérique comme celui-ci.
En conclusion, L’Etang du démon est un grand film. Voyage unique dans un Japon rural et traditionnel, aux portes d’un fantastique de conte de fées très maîtrisé, les aspérités sont vraiment dans les détails et ne gâcheront probablement pas le plaisir de l’esprit rêveur. Moi j’ai passé un excellent moment de cinéma et bien sûr je recommande la découverte de cette pépite, longtemps oubliée. 4.5