Pris au piège
A part son 1er film en 2015, Les Cow Boys, Thomas Bidegain fait surtout une brillante carrière comme scénariste avec des films comme Un prophète, De rouille et d’os, Dheepan, Les frères Sisters, La famille Bélier, Saint-Laurent, Le Fidèle, Stillwater… que du très bon ! Avec ces 110 minutes, il revient derrière la caméra. En couple depuis 5 ans, Ben et Laura ont décidé de faire le tour du monde en bateau. Avant d'atteindre l'Amérique du Sud, ils font un détour vers une île sauvage, près des côtes antarctiques. En pleine exploration, une tempête s'abat sur eux et leur bateau disparaît. Éloignés du monde, soudain seuls face au danger et à l'hiver qui approche, ils vont devoir lutter pour leur survie et celle de leur couple. Survival classique de chez classique mais très bien mené grâce à un suspense à couper… au pic à glace et deux interprètes en état de grâce.
Curieusement, Bidegain, lui, le créateur d’histoire, a ici, adapté le roman éponyme d’Isabelle Autissier, la célèbre navigatrice, devenue écrivaine. Il avait envie de raconter une histoire d’intimité, dans un lieu unique, avec un ou deux personnages. Banco ! On ne peut pas faire mieux quant aux critères. Originalité, c’est que l’on voit un couple déjà constitué, avec ses forces et ses faiblesses, tenter de survivre en milieu très hostile, car à l’inverse de beaucoup de films de ce genre, ce n’est pas l’occasion d’une rencontre entre deux personnes que tout oppose et qui ;comme le dit Bidegain lui-même, s'embrassent à la fin du deuxième acte. Là, il n'y plus de filtre, plus d'échappatoire. Une situation de survie impose le mouvement. On n’oubliera pas le 3ème personnage : l’île, magnifique, sauvage puis hostile et peut-être mortelle. Techniquement, comme il était très difficile de tourner en Antarctique, le film s’est fait en Islande et sachez que tout ce que l’on voit à l’écran, a été construit pour les besoins du film. Pour moi, un gros bémol dans ce film la musique, fort belle au demeurant, de Raphaël Haroche, qui envahit tout, est omniprésente et a le grand tort de nous cacher souvent les bruits de la nature. Et ce désagrément est criant dès le 1er plan : le voilier en pleine mer, le vent, les voiles qui claquent, les embruns, l’étrave qui casse les vagues… Bref plein d’éléments sonores dont la musique nous prive dès la 1ère seconde. Dommage !
A l’origine du projet, ce sont Vanessa Kirby et Jake Gyllenhaal qui devaient être de l’aventure et puis…voilà ! Je ne suis pas sûr qu’on ait perdu au change. Donc, ce sont Gilles Lellouche et Mélanie Thierry, dont on voit combien les éléments, le froid, le vent, la neige, la glace, ont marqué leurs visages durant ce tournage dont on nous dit qu’il a été très pénible physiquement, qui, tous les deux, jouent des partitions très justes et sensibles. Deux grands numéros d’acteurs. Un beau huis-clos à ciel ouvert qui fait froid dans le dos. Je sais que Bidegain a tourné deux fins différentes. Peut-être un jour connaîtrons-nous l’autre version ?