Un film qui, malgré son manque de moyens, se révèle une incroyable réussite. Il y a bien sûr au départ la pièce de Shakespeare, mais Orson Welles a su s'éloigner d'une mise en scène classique pour échafauder un décor surréaliste, oppressant malgré ses ouvertures omniprésentes. On est bien dans le mouvement expressionniste : le château ressemble ainsi à une caverne troglodyte baignée de noirceur et d'une brume envahissante et les costumes sont plutôt terrifiants, de même que l'ambiance sonore. Les plans-séquences sont aussi nombreux, rappelant ainsi l'origine théâtrale, mais cela ajoute au sentiment d'oppression et au sentiment d'instantanéité et de soumission de Macbeth à sa femme, les décisions étant prises rapidement par cette dernière, ne laissant à son mari que le temps de les assimiler. Le jeu des acteurs est lui aussi expressionniste, notamment chez Welles qui prend visiblement plaisir à rendre ses yeux exorbités. Une scène est d'ailleurs particulièrement marquante, celle du banquet, dans laquelle la folie du Thane de Cawdor est exposée à tous. Néanmoins, en raison de l'ambiance sinistre et de ses nombreux monologues susurrés avec l'accent écossais, le film est aussi impressionniste, puisque, plutôt que par une histoire véritablement solide, c'est en modifiant l'humeur du spectateur que le film se loge dans le cœur du public, parvenant à l'entraîner dans la même folie que celle de ses deux protagonistes principaux, un peu comme le fera des années plus tard "Apocalyse Now" de Coppola, avec encore plus de brio et de perversité. "Macbeth" n'est malgré tout pas exempt de longueurs et d'une certaine dose d'ennui, mais ce film d'Orson Welles, dont la présence est ici impressionnante, reste un grand événement dans l'histoire du cinéma, ou la preuve qu'on peut faire de grande choses avec peu de moyens et un tournage précipité.