Un film d’une justesse glaçante sur les rapports humains dans le milieu du travail ouvrier. A l’usine, arrive un nouveau, il va être la victime d’un harceleur pathologique, sans que ses collègues ne fassent rien pour lui venir en aide. A la lecture du sujet, on peut croire que le bourreau est un chef d’équipe ou un membre de la direction, il n’en est rien, c’est un simple camarade de travail. Le harceleur, dans sa logique à vouloir détruire méthodiquement, planifiant chacune de ses attaques contre le collègue sans défense, est une représentation terrifiante, et magnifiquement interprétée, de ce que peut être la prédation. L’apparente absence de motivation en dit beaucoup plus sur la souffrance au travail, que ce qui a été théorisé sur le sujet. On ne voit jamais la hiérarchie, le film se concentrant uniquement sur les ouvriers, parmi lesquels le harceleur dont on apprend qu’un poste de responsable lui a été refusé. Ainsi la pression que ces invisibles exercent sur lui, il doit la relâcher sur un plus faible. Qui a travaillé en usine ne pourra contester la justesse du portrait, la vérité des dialogues, encore moins la logique des camarades de travail qui refusent de réagir au calvaire vécu par le nouveau. Un nouveau qu’on ne connait pas et qu’on n’a donc aucune raison de défendre sous les coups d’un collègue, au nom de cette solidarité ouvrière, dont voici le côté pile de ce que le cinéma militant d’un Marin Karmitz avait exprimé, avec quelques fantasmes. J’ai pensé à "The glass house", saisissant film de Tom Gries sur le harcèlement en milieu carcéral. Le milieu dans lequel nous immerge le film de Philippe Le Guay est un miroir beaucoup plus direct que celui de la prison. Ce qu'il nous montre est vrai ! Le final ne clôture pas l’histoire, il l’ouvre au contraire sur des possibilités encore plus terrifiantes. Un film qui enseigne autant, et complète par les faits, les conférences et les écrits de Christophe Dejours.