https://leschroniquesdecliffhanger.com/2023/05/20/vincent-doit-mourir-critique/
Autant le dire, sur le papier, on est fans d’une telle ambition de mix des styles car si la créativité est au rendez-vous, ce qui est largement le cas ici, alors c’est les émotions qui se chevauchent. Dit autrement, dans la même minute, on se marre, on pleure, on fait « wouah » et on a peur. Une des aspirations premières du cinéaste avec Vincent doit mourir est de rendre compte de l’agressivité du monde, dans la violence et le désordre, aussi bien social qu’amoureux. Le tout patiné d’un humour noir et absurde.
Le sens de l’allégorie est permanent. Celui de la dénonciation d’un monde rongé par la violence. Et quoi de mieux pour dénoncer la violence que… montrer cette violence. Y compris et surtout quand celle-ci, totalement gratuite et infondée s’exerce comme contre Vincent, sans raison apparente, c’est ainsi la meilleure façon de la ridiculiser en l’isolant de la sorte.
Et le cinéaste en la matière ne fait pas dans le détail. Tout le monde se prend des brins, et pas des petits… De 7 à 77 ans, de la petite tête blonde aux cheveux bleus des mamies à moustache, ça castagne dans tous les sens. Au-delà du message du fond, cette banalisation est un véritable ressort d’une forme de cruauté jubilatoire à l’écran. Il y a les coups, mais il y a les mots, et quelle qualité d’écriture !! Vincent doit mourir, c’est toujours le sens du bon mot au bon moment, la surprise permanente, les jeux de silences et de consternation de l’interlocuteur dépassé par ce qu’il entend.
Un bon coup de pelle dans la gueule, ça ne peut pas faire de mal, il y a du Bernie (1996) dans Vincent doit mourir. C’est totalement transgressif et politiquement incorrect. L’aspect série B, dans des scènes parfois bien gores, mais jamais gratuites car au service de la narration, offre une mise en scène parfois lunaire, qui scotche encore plus le spectateur, qui comprend vite que tout peut arriver.
Il y a du Bill Murray chez Karim Leklou !! Ce flegme à toute épreuve, cette extrême inexpressivité par moment, pour justement dans l’art du contrepied, faire passer tellement de messages. Alors, dès qu’il l’ouvre, c’est encore meilleur. Karim Leklou c’est une pyramide de talents !!! Particulièrement dans ce rôle où son évolution de douce victime expiatoire vers un forcené qui finit par se barricader, lui donne l’opportunité de montrer toute l’étendue de sa palette, et elle semble ne jamais s’arrêter !!
Vincent doit mourir est bien sûr tout sauf une farce, même si ici, l’absurdité est une arme de destruction massive. Là où le film touche à son Graal, c’est bien dans son message profondément humaniste, actuel, pop, par les meilleurs biais possibles de ce que le cinéma permet. Si Vincent doit mourir, les spectateurs eux doivent courir.