« The Barton’s boys don’t go to Vietnam. No, they go to Yale or Darmouth or Cornell. »
Lent dans son déroulement mais particulièrement propre dans sa narration, sans rebondissements prévisibles
(sinon à la fin)
, sans artifices inutiles, Winter Break/The Holdovers se laisse découvrir comme un roman ancien à la couverture écornée, pris sur l’étagère en bois d’acajou poussiéreuse d’une vieille bibliothèque, quelque part pas très loin du Cercle des Poètes Disparus (Peter Weir, 1989).
Les trois personnages embarqués plus ou moins malgré eux dans ce quasi huis clos soutenu par une exaltante absence totale d’aventure se découvrent mutuellement cassés, chacun épongeant ses blessures à sa façon, selon son statut social. Si Dominic Sessa (21 ans!) incarne un adolescent plutôt instable (son tout premier rôle et sans doute pas le dernier), on sera impressionné par la prestation de Paul Giamatti (enfin un premier rôle d’envergure pour cet acteur caméléon) en vieux prof aigri, conservateur et souffrant de triméthylaminurie, et, surtout, par celle de Da’Vine Joy Randolph, d’une puissance dramatique rare, en cuisinière au franc-parler, victime indirecte de la guerre du Vietnam.
Lent, donc, mais d’une humanité crue, débarrassée des scories larmoyantes habituelles de ce genre d’exercice, débarrassée aussi de musiques parasites, la bande originale étant la plupart du temps ponctuée par de la musique diégétique (morceaux de la fin des années ‘60 ou mélodies au piano) ou des extraits de chorale, identique à celle qui sert d’introduction à l’oeuvre. Côté réalisation, on notera le parti pris du classicisme proche des films de l’époque (procédé déjà utilisé par David Fincher dans Zodiac, 2007, et plus encore dans la série Mindhunter, 2017-2019), avec un clin d’oeil à Little Big Man (Arthur Penn, 1970).
Les dialogues enfin, réalistes et pourtant ciselés, gagnent en force de percussion au fil de la progression et de l’intensité narrative.
Winter Break/The Holdovers se déguste comme un film d’apparence tout simple mais d’une grande densité, ce qui est la marque des grandes œuvres qui ne laissent pas indifférent. J’aimerais juste qu’on m’explique pourquoi les distributeurs francophones du film ont transformé un titre anglais en un autre titre anglais qui n’a pas la même signification.