Robert Rodriguez, c'est une carrière délirante, une évolution artistique complètement illogique qui ne trouve de sens nul part; s'il a commencé comme une sorte de mélange entre John Woo et Quentin Tarantino (voir les excellents Une nuit en enfer et [Desperado), il fallait qu'il tombe dans le Teen Movie avec The Faculty, pour finalement régresser jusqu'au film de gosse avec ce Spy Kids, sorte de délire incompréhensible et régressif d'une laideur presque fascinante.
Au départ, Rodriguez, c'est une ambiance chaleureuse, des combats esthétisés portés par des acteurs charismatiques et suants, le tout agrémenté d'une bande-son sensuelle et d'un montage très soigné. Il paraît donc difficile de retrouver tout cela avec ce Spy Kids, sorte de parodie de James Bond aseptisée et dirigée vers un public exclusivement jeune.
Alors on imagine bien que le casting habituel de Rodriguez pourra sauver le tout, mais Banderas, Marin et Trejo peuvent-ils vraiment rattraper un film qui se perd dès ses premières minutes? Parce qu'on ne retrouvera de l'art du mexicain qu'une introduction explosive et expédiée en quelques minutes seulement, marquant seulement dans le cahier des charges la présence obligatoire du savoir faire cinématographique du réalisateur.
Sans âme, n'ayant pratiquement rien de la personnalité habituelle des oeuvres du pote de Tarantino, Spy Kids a semble-t-il perdu énormément de saveurs depuis l'enfance, ce nouveau visionnage brisant bien des souvenirs d'il y a quelques années. Car si l'on s'amusait allègrement des mésaventures de cette famille peu commune, si l'on voulait presque leur ressembler, on comprend finalement, aux vues de leur prestation minable et de la tristesse du tout, qu'on a passées des années à rêver sur du rien.
Outre la prestation évidemment maîtrisée de Banderas et Gugino, il y aura de quoi se lamenter longuement sur le travail rendu par Alexa Vega et Daryl Sabara, chargés de donner vie aux enfants espions sur lesquels porte Spy Kids. Affreusement mauvais acteurs, ils cabotinent en y croyant dur comme fer, offrant à l'oeuvre ce soupçon de naïveté sincère qui faisait qu'on aimait ce film à l'époque de notre tendre enfance.
Parce qu'à le revoir aujourd'hui, si les méchants en forme de pouces ne présentent ni sens ni logique cinématographique autre que de plaire aux enfants, nul doute qu'avec des yeux d'adulte Spy Kids perd tout son intérêt de conte rêveur, gagnant dès lors une personnalité de nanar généreux et jouissif. Et c'est sûrement son principal défaut : constamment désireux de plaire aux enfants, il oublie le reste du grand public et s'enferme dans la case "divertissement pour gosses", annulant bien sûr toute possibilité de relecture une fois l'expérience achevée.
Et s'il fera rire goulument les enfants, nul doute que leurs parents trouveront le métrage un poil abrutissant, bête et visuellement très laid, bâtissant ses scènes d'action sur une mise en scène statique et des fonds verts affreusement visibles. Les couleurs criardes entacheront aussi le visuel, et les designs des personnages (notamment les méchants) ne trouve de sens que dans les yeux innocents d'enfants, les autres comprenant rapidement que des fautes de goûts se sont glissés un peu partout.
Que dire de la bande-son, étrangement plate pour une oeuvre de Rodriguez, lui qui marquait les esprits par ses musiques sensuelles et mortelles? Restera le plaisir non dissimulé de voir les débuts du Machete de Danny Trejo qui, accompagné de Banderas, tentera de destituer les géniaux Robert Patrick et Tony Shalhoub, fantastiques méchants aux forts échos de Power Rangers. Autant suivre le film avec des yeux d'enfants vieillissant qui, même s'il ne rira plus de la qualité imaginée de Spy Kids, pourra au moins s'amuser des défauts qu'il y perçoit enfin. Un coup dur pour la carrière de Rodriguez qui se targue tout de même d'une apparition surprise de George Clooney, venu déconner avec ses potes de beuverie.