Freda, étudiante lumineuse et engagée, est l’ainée d’une fratrie de 3 portée (et dirigée) à bout de bras par leur mère célibataire. Ils vivent des (très) modestes revenus de leur petite épicerie de quartier à Port-Au-Prince (Haïti). Alors que l’insécurité blesse et tue au hasard (sans parvenir à éteindre la jeunesse, son insouciance et ses combats), et que la corruption met en danger la colonne vertébrale du pays (la république, l’économie, l’éducation), Freda a la possibilité de quitter son île dévastée par l’instabilité et les catastrophes naturelles. Oui mais… Freda tient à finir ses études, à soutenir sa famille, à participer à l’éclosion de son pays.
Freda est un film rare.
Rare, déjà, parce qu’il nous parle en créole (merci, Madame, d’avoir ouvert sous cet angle subtil le sujet – central et explosif – de l’identité, de l’héritage du colonialisme… de ne l’avoir pas éludé, sans y réduire le propos).
Rare parce qu’il explore sur un fil (avec pudeur mais sans complaisance) le sujet du choix : la conviction profonde (dont le contexte appuie l’éloquence) qu’un parcours de vie est une succession de choix, dont il faudra assumer les conséquences.
Rare enfin parce qu’il a été présenté à Cannes... En a enflammé, bouleversé le tapis rouge.
Film de femme porté par des femmes et leurs liens puissants (Freda, sa sœur, sa cousine, sa mère, sa tante…), Freda questionne aussi leur place : celle qu’on leur assigne, à laquelle elles décident de se soumettre, ou au contraire de se soustraire…
Quant aux hommes : ils sont présents dans leurs absences, subissent, violent et frappent, mais brillent aussi de tendresse, s’indignent… ou s’inclinent... à côté.
Maryse Condé, se racontait en ces termes dans Le Cœur à Rire et à Pleurer : “Contre une mère aussi dure avec les autres qu'avec elle-même et contre un père timoré, la petite Maryse prend le chemin de la rébellion.”
Freda chuchote à cet enfant à naitre dans les dernières minutes du film : « aucun prince charmant ne te sauvera, il sera ton partenaire de combat, s’il en est capable ».
Courez-y !