Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est de bon aloi de préciser que le documentaire signé Oliver Stone sort dans une version "exploitable" en salles. Les 240 minutes du montage d'origine sont ramenées à deux fois moins (1h58). Pour livrer un avis définitif, il faudra probablement s'armer de patience et attendre que JFK - L'enquête soit disponible en VOD/Streaming pour le découvrir dans sa totalité. Est-ce à dire que le nouveau long-métrage du cinéaste ne mérite pas le détour ? Pas du tout.
La sortie de JFK en 1991 pousse à l'adoption de l'Assassination Records Review Board un an plus tard et avec lui la promesse de voir plusieurs milliers de documents déclassifiés en 2017. Ce fut à peu près le cas, puisque l'ex-président Trump a encore bloqué l'accès à certains d'entre eux. Quoiqu'il en soit, une masse considérable de pièces à conviction et de rapports sont aujourd'hui disponibles. Apparemment, le réalisateur culte a vu l'opportunité de compléter sa thèse presque 30 ans plus tard. C'est donc ça JFK - L'enquête, un post-scriptum ? Oui et non. On reprend certains axes controversés de l'affaire, mais en centrant sur un point précis, un simple détail à priori, et on dézoome progressivement. L'idée, c'est de tirer sur le fil et de regarder la pelote se dérouler. Galvanisé par ce travail d'enquêteur entrepris avec des historiens, enquêteurs, médecins, passionnés, Oliver Stone retrouve l'énergie et ce goût du montage survitaminé. Ils confrontent images d'archives, témoignages non-caviardés, comptes-rendus inédits, bandes-sonores. Du noir et blanc, de la couleur, du vintage, du saturé, et tout cela file assez vite. La somme d'informations cumulées est considérable pourtant Stone a trouvé un rythme enlevé mais confortable pour permettre à son spectateur d'emmagasiner tout ce savoir complémentaire. En dernier lieu, confier la bande-originale à Jeff Beal était une excellente idée. Beal s'éloigne des compositions de John Williams sur JFK et imprime un ADN tout à fait raccord avec son travail sur la série House of Cards. Inutile de dire que c'est parfaitement adapté au sujet.
Ce n'est pas sur la thèse que film coince, les documents présentés rendent son exposé (et celui de JFK) très solide. J'ai été particulièrement captivé par les autres tentatives précédant l'assassinat du 22 novembre 1963. Les points communs entre ces "ratés" et la tragédie survenue à Dallas est peut-être l'élément le plus frappant des 2 heures. Tout simplement parce qu'il s'agit d'une des rares sections complètement nouvelle par rapport au précédent film de Stone sur l'évènement. Sinon, L'enquête reprend beaucoup la structure du long-métrage centré sur Jim Garrison. La majorité des points soulevés sont rigoureusement les mêmes, pour certains il n'y a pas d'apports substantiels (Oswald par exemple). Les coupes dans le montage se ressentent, au grand dam du metteur en scène qui admet avoir livré cette version "plus commerciale" tout en confirmant qu'il en avait encore beaucoup sous le pied. Sur un autre plan, on peut trouver l'idéalisation du personnage de John Fitzgerald Kennedy excessive. Pas qu'il fallait nourrir les fantasmes de détracteurs qui ne se gênent pas pour tout mélanger, mais garder une certaine distance par rapport à son sujet augmenterait les chances de leur couper l'herbe sous le pied. Une chose qui avait pas mal apporté à son fantastique Nixon (autre tragédie historique passionnante). En conclusion, il n'est donc pas aisé de se fixer sur ce complément, à bien des égards enrichissant mais frustrant sur pas mal de points.