Il doit y avoir un nom à ce genre cinématographique, comme le « buddy movie » ou « road movie », ou « slasher », que sais-je ?
« Mes frères et moi » de Yohan Manca, « Haute-Couture » de Sylvie Ohayon, « Au bout des doigts » de Ludovic Bernard et dernièrement « Compagnons » de François Favrat, et « Ténor » de Claude Zidi Jr sont basés sur la même structure narrative.
D’un côté un(e) jeune de quartier de banlieue parisienne ou de cités provinciales, glandeurs/glandeuses à ses heures perdues, mêlés(es) à des combines ou victimes desdites combines - on nous le fait bien sentir - , ont un rêve qu’ils (elles) pensent (légitimement ?) inaccessible.
De l’autre côté, un(e) « Français(e) bien français(e) » - on nous le fait bien ressentir aussi, bourgeois(e), artiste ou intellectuel(le) qui va permettre à ce jeune de quartier de croire enfin à tous les possibles.
A la condition de travailler, d’accepter quelques contraintes parfois contraires à leur principe de vie.
Comme celui de s’allier avec une France dans laquelle le (la) jeune de quartier ne se reconnaît pas.
Sorte de bête sauvage qui s’apprivoise peu à peu dans un monde qu’il ou elle dénonce à tour de langue.
On voit le (la) jeune toucher du doigt l’impossible, évoluant dans un monde enchanté.
S’ensuivent des conversation sur la différence, sur la diversité, l’incommunicabilité.
Au moment où la confiance s’installe entre les deux parties, arrive le point de bascule où le (la) jeune se dispute parfois violemment avec son mécène.
Avant de promettre de tout plaquer, il (elle) vomit toute sa rancoeur sur cette France qui le (la) déteste en soulignant à gros traits leurs différences sociales.
Le jeune n’est pas ingrat, c’est une bête blessée ! Qu’on se le dise !
Il (elle) est à manier avec précaution.
Enfin, la réconciliation.
Happy End qui se veut émouvant.
Comment ne pas être touché par ces jeunes qui réussissent et ces « Français bien français » qui ont donné de leur temps pour cette réussite !
La réconciliation ne se résume pas qu'entre les deux parties : le (la) jeune et le (la) « Français(e) bien français(e) » ; c’est la réconciliation de deux « France ».
J’ai grossi volontairement le trait en brossant un portrait-robot de ces « Deux France » mais comme je le dis souvent, les clichés ont la vie dure et si les récits illustrent des clichés c’est parce qu’il sont pratiquement inévitables et bien présents.
Et je peux vous assurer que je suis confronté tous les jours à ces clichés des quartiers en exerçant dans un REP+.
On a compris : ces films sont là pour dépasser les préjugés, préjugés des deux côtés, il faut le signaler. S’il y a « deux France », il y a deux préjugés.
En ce qui me concerne, c’est prêcher dans le désert puisque ces films prêchent un convaincu.
Ces films peuvent être considérés comme indispensables, d’utilité publique ou font figure de piqûre de rappel envers les esprits fermés, ceux embourbés dans leurs préjugés et ça concerne les deux côtés !
Bref, j’espère qu’un jour un metteur en scène ne se basera pas sur la même structure narrative et gommera quelques clichés. C’est sans doute fait, mais je ne l’ai pas vue ou encore vue.
Il y a des metteurs en scène plutôt des metteuses en scène qui modifient le genre « film de quartiers » comme « Une histoire d’amour et de désir » de Leyla Bouzid, « Fragile » d’Emma Benestan, ou « Les meilleures » de Marion Desseigne-Ravel, ou encore « Gagarine » de Fanny Liatard/Jérémy Trouilh. Elles ne résument pas ces jeunes à des affaires de drogues, de violence religieuses, sociales, familiales. Elles offrent une autre vision des jeunes de quartiers qui fait du bien
Donc « Ténor » est un film de plus sur l’accessibilité à un rêve... impossible.
Il m’a permis de faire la connaissance de MB14 sous les traits d’Antoine ; comme je n’aime pas le RAP, je ne le connais pas en qualité de chanteur, mais l’acteur m’a convaincu.
Quant à Michèle Laroque, elle assure le minimum ; elle fait toujours mieux que dans ses films qu’elle réalise - souvent navrants. A la réussite d’Antoine, s’y ajoute une toute petite dimension dramatique,
la maladie de Madame Loyseau
, pour donner plus d’émotion à un récit qui n’en avait pas vraiment besoin.
« Ténor » se laisse regarder sans effort mais l’effort d’imagination revient aux metteurs en scène.
Et moi, j'ai fait l'effort d'alourdir inutilement le masculin - féminin ! Désolé...