Platform (Jia Zanke 2018) est une très belle histoire d'amour mais aussi l'histoire d'une troupe de spectacle itinérante dérisoire (comme celles du Bergman de La nuit des forains) dans une ville moyenne qui passe de la pauvreté quasi médiévale (1979) au boom de la privatisation dans les années 90 mais surtout de l'encadrement de l'individu par le parti à l'individualisme naissant (qui va éclater aujourd'hui) qui laisse les Chinois désemparés. Ils se raccrochent à la chanson : une des plus belles scènes du film montre l'héroïne devenue venue fonctionnaire, solitaire la nuit dans son bureau, dansant sur une chanson de Hong Kong. C'est aussi un film sur des sentiments qui ne se parle pas. Un très long film (j'ai vu une version de plus de trois heures, il faut savoir qu'on entre dans une longue histoire) avec de très longues séquences, souvent en quasi plan fixe, avec très peu de dialogues, une interprétation très fraîche, beaucoup d'humour et de l'ironie tendre au second degré comme dans un Rohmer (mais chez les camarades).
Une plongée dans la Chine de cette époque tourmentée. Très vraie, très dépaysante et souvent assez déroutante pour nous occidentaux, le film vaut même plus par la reconstitution de l'époque que par l'histoire elle-même. De toutes façons intéressant à découvrir pour les amoureux de la Chine et ceux cherchant à mieux la comprendre.
Jia Zhang-ke signe un film très personnel qui suit un groupe de jeunes adultes "en marge" dans la société chinoise en pleine mutation, entre aspiration et résignation. La musique tient un rôle majeure dans le raccord des scènes ou pour faire des ellipses et fait naître l'émotion. Ce film parle de la Chine mais son propos sur la désillusion d'une certaine jeunesse est universel. A l'écrire c'est vrai que ca fait très cliché, mais à l'écrire seulement.