Quel autre cinéaste que Hong Sang-soo pourrait se permettre une conversation anodine de près de 30 minutes, entre deux sœurs, pour ouvrir son film. Il est vrai que le temps est une notion flottante chez le cinéaste même si cette fois, dans In front of your Face, il joue moins que d'habitude avec lui, se contentant, si l'on peut dire, d'enregistrer les faits et gestes d'une femme d'âge mûr, de retour en Corée, pendant 24 heures. Cela tombe bien parce que cette ancienne actrice, qui rencontre un réalisateur qui souhaite tourner son prochain film avec elle, vit désormais au jour le jour, cherchant les instants de grâce dans son quotidien. La raison de cette attitude est révélée au 2/3 du long-métrage après quelques indices semés auparavant. Les fidèles du cinéma de Hong ne seront pas surpris par le ton intimiste de In front of yout Face, pas plus que par la délicatesse du trait ou encore, sur un plan plus prosaïque, par la consommation excessive d'alcool. Plus simple et plus serein que ses œuvres précédentes, le film semble correspondre à une philosophie de la vie davantage apaisée, portée par la nécessité du carpe diem, en négligeant les erreurs du passé ou les souffrances du futur. Lee Hye-Young, nouveau visage dans le cinéma de Hong, est filmée avec tendresse et en captant ses infinies mélancolie et lumière. S'il est difficile de parler de film-somme pour le réalisateur, ou encore de d'inflexion dans sa carrière, le fait est que ce 26ème opus de Hong Sang-soo est l'un de ses plus touchants et de ses plus lisibles quoique, à vrai dire, tout ne pourrait bien être qu'un rêve.