Entre Fucking Åmål en 1998 et Lilja 4-ever en 2002, Moodysson a exploré avec un peu plus d’optimisme le passé de son pays, profitant du tournant du millénaire pour regarder un quart de siècle en arrière, du temps où la communauté ”Tillsammans”, entassée dans une maison en face d’un vieux couple bourgeois aigri, se réjouissait de la mort de Franco et faisait perdurer les valeurs hippies dans un quartier de Stockholm n’ayant rien à faire de leurs revendications renfermées.
Ce n’est néanmoins pas le manque d’ouverture qui gêne, ni l’impasse qu’on pourrait aisément ressentir devant ces personnages qui ont des idéaux mais pour seul vrai mérite leur existence autarcique. En fait, une grande partie du charme de Tillsammans est là, dans ses éclairages très jaunes, conviviaux, impudiques, toujours pris à la limite du sérieux pour s’assurer que le spectateur suit.
On a vite fait de se sentir chez soi chez ces babacools boycottant ABBA, même si on n’adhère pas forcément à leurs convictions parties en roue libre, auxquelles on est initialement convertis par des zooms brusques comme si ces gens faisaient quelque chose de mal, à part s’isoler dans un anarchisme aussi naïf et impratique qu’il est pourtant efficace, et qu’on pêchait par curiosité en voulant les observer.
On est invité dans un groupe qui recherche des substituts à la vie toute faite, que ce soit dans l’inacceptance ou la libération, d’une façon à la fois surannée (le Combi est là mais défraîchi, depuis longtemps revenu de ses rêves floraux) et bien dans l’air du temps. Et cela par deux fois : l’œuvre de Moodysson date de 2000 et prend ses racines en 1975, pourtant les valeurs individualistes et libertaires qui sont revendiquées sont les mêmes qu’aujourd’hui.
Les révolutionnaires suédois ont leur mollesse ailleurs, dans un martèlement de la phrase ”je ne sais pas” qui laisse supposément deviner un déni sans parvenir à s’élever vraiment au-dessus. Alors on se contentera de voir les membres de la communauté devenir tour à tour eux-mêmes ou leur propre contraire, effleurant leurs idéaux avec leurs propres paradoxes, et cette imbrication dans le familial que Moodysson semble soigner toujours.
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