Jamais vu un film aussi décevant, n'allez pas le voir, s'il vous plait. C'est un copier/coller raté de La Princesse Mononoke, mais sans la poésie, sans la portée écologique, sans portée du tout, avec une animation beaucoup moins maitrisée qu'il y a 30 ans, une mise en scène sans une seule originalité, une histoire digne d'une parodie d'un jeu de fantasy, un univers grandiloquant et totalement incohérent, une insulte à monsieur Miyazaki qui doit être en train de pleurer en réalisant que son héritage se transforme peu à peu en un nouveau genre commercial insipide, plus proche du "contenu/divertissement" que du cinéma. C'est un très gros raté ; ouvrez Netflix et lancez un film de Ghibli que vous n'avez pas vu depuis longtemps, vous passerez une bien meilleure soirée.
Je vais m'expliquer point par point sur, l'univers, l'histoire, la mise en scène, la réalisation, la portée symbolique et je finirais par une réflexion sur le genre.
Avant de commencer, le film est très très lourdement inspiré de Princesse Mononoke, également de Nausicaa de la vallée du vent et autres classiques du maître Miyazaki, c'est un point très important et j'y ferais souvent référence.
Univers :
Je ne vais pas m'étendre sur le roman originel de Nahoko Uehashi parce que je ne l'ai pas lu, mais il est évident qu'il y a eu d'énormes soucis d'adatation. L'on commence le film par un écriteau (je me permet de rappeler la maxime "show, don't tell"), puis on nous introduit à presque une dizaine de noms et de concepts étrangers. Les Zodiens, les Aquiferiens, la fièvre du loup noir, l'empereur, la religion, le mittsual, les clans des forets, les créatures fantasy, tout ça vous est lancé en pleine face dès les 10 premières minutes, si vous n'avez pas lu le livre, vous passerez tout le film à essayer de comprendre l'univers. Alors on se dit : woah, ça va être dépaysant et excitant de découvrir ce grand univers fantasy! Et pas du tout : l'originalité est absente, les concepts sont tellement revus qu'on en croirait une parodie, il n'y a pas une seule entité parmi toute la politique pourtant grouillante de détails qui ne soit pas un cliché de fantasy creux et insipide. La cohérence aussi est bâclée, et même pas besoin d'aller jusque dans les détails pour s'en rendre compte : la révélation finale du film est une incohérence en soi.
Dans un univers préindustriel inspiré du japon féodal, où la plus haute technologique que l'on voit c'est une grosse seringue en fer, ça m'étonnerais beaucoup que quiconque connaisse sur le bout des doigts le concept de mutation génétique ou d'anticorps.
C'est un gros mashup salement collé des clichés que les préadolescents apathiques auront retenu des oeuvres de Miyazaki. A un moment, il y a une petite fille à moitié sauvage issue d'une tribu lointaine et oubliée qui se retrouve à se battre pour son clan dans un ultime assault vers la fin du film, alors qu'elle chevauche un loup aux pouvoirs presque divins suivi d'une armée d'animaux de la forêt. Non, ce n'est pas Mononoke, je parle bien du film Le Roi Cerf. Sauf que chaque concept qui est pompé ne copie que la surface, l'apparence, et perd toute sa signification. Par exemple, le nom du clan d'où viens le personnage principal Ashitaka n'est même pas cité dans le film de Miyazaki, pour une raison simple : on s'en fiche ! Pas la peine de nous embrouiller la tête avec des noms à rallonge si ça n'est pas pour s'en servir derrière. Alors que là, non seulement on connait le nom du clan originel du personnage principal, mais on connait même son lore, son surnom dans le dit clan, des versions alternatives, alors qu'on s'en fiche ! Ca n'est même pas utilisé une seule fois dans l'histoire, et c'est le cas pour TOUT. Encore une fois dans Mononoke : un village où y'a des mines = "Le Village des Mines", alors que dans Le Roi Cerf, on a le Royaume Zodien, la nation Aquifèrienne, l'empire de je-ne-sais-même-plus, le clan de bidule, la tribu de machin, tout ça pour aucun impact quelconque dans l'histoire.
Histoire :
Alors avec cet univers immense, y'a de quoi faire ! Toute cette politique, ces religions étatiques, ces races... Et pas du tout. L'intrigue se base sur une relation entre deux personnages, en bref ça aurait très bien pu se passer aujourd'hui ; l'univers fantasy est un accessoire inutile à cette intrigue, sauf qu'en plus d'être impossible à comprendre et incohérent, il rends même l'histoire difficile à suivre et lui fait perdre de son sens.
On fait tout une esthétique sur l'empire, poussant le détail jusqu'à expliquer comment le dirigeable de l'empreur est guidé par des ballons à travers la montagne... mais l'empreur n'a aucun impact sur l'histoire ! On ne le voit même pas, il n'y avait aucune espèce de raison de le mettre là. Le pire reste les plans fixes de 15 secondes où un personnage se contente de bouger la bouche en expliquant le lore du clan X ou Y, alors qu'il n'a aucune utilité.
La révélation finale est plus que décevante, je plains les artistes de l'équipe qui se sont donné au maximum sur un projet ou malheureusement les auteurs ne sont pas impliqué.
Alors qu'une maladie décime les royaumes depuis 80 ans, le médecin le plus doué du continent n'a même pas pensé à regarder les différences d'alimentation entre ceux qui meurent et ceux qui ne meurent pas ? En 80 ans, personne n'a essayé le jus de trèfles de la foret d'en face ? Je n'ai pas de mot pour commenter l'absurdité.
Et malheureusement, même l'intrigue d'affect entre les personnages est plate. Le personnage principal ne montre aucune espèce d'émotion, c'est un cliché toxique et révoltant de l'ultra masculinité ; il fait 2 mètres, c'est une montagne de muscles, il est barbu mais pas trop, viril au possible, son regard est perdu, mystérieux, laissant entrevoir une humanité profonde cachée sous une carapace de muscles... Jacob dans les films Twilight était plus profond et moins cliché. Là ou Miyazaki avait des personnages féminins forts et originaux, ici il n'y a que des hommes dans toute l'histoire. Il y a seulement trois femmes dans ce film, la première est une fillette qui n'a pour rôle que d'être mignonette, la dernière est un stéréotype gerbant de la gentille épouse au foyer qui s'occupait des enfants et attends le retour de son chevalier, et la dernière est un cliché ninja totalement accessoire à l'intrigue du film.
Le film se veut épique, avec des grandes nations, des pouvoirs divins, des magies mystiques ... ça pose deux énormes problèmes de débutant :
1) Si il n'y a que de l'épique, alors rien ne l'est, c'est une question de contraste. Mettez une bille de sel dans un océan, rien n'aura changé, mais dans un yahourt à boire vous la sentirez passer. Il faut nécessairement du banal, du calme, du silence pour que puisse résonner le bruit, la violence ou l'innatendu, les auteurs n'ont rien compris de ça. De l'épique sur de l'épique, c'est un signe qui me fait penser qu'ils sont passé à côté de toute la poésie contemplative et philosophique de Miyazaki, ils sont simplement plagié ce qu'ils trouvaient "cool", donc les moments stylés. Donc pour le coup je l'admets, le film est stylé, c'est le seul point positif.
2) Quel intérêt d'être épique ? Quel est l'intérêt de regarder un exposé de deux heures sur un univers incohérent ou des personnages fonctions t'expliquent le lore en plan fixe, si ce n'est pas pour toucher le spectateur avec ? QUID des rêgles ? Dans Mononoke, j'ai peur quand Ashitaka est gagné par la maladie, car je sais qu'elle est à priori incurable, les règles ont été établies DONC je peux suivre l'histoire. Alors que là, on me sort des nouveaux concepts si épiques qu'ils remettent en question le tissu de la réalité à chaque instant ! Comment je peux m'impliquer dans les personnages si je me dit "ah moui mais on va apprendre que la morsure magique de machin va donner des pouvoirs de resurrection à bidule ou un truc du genre". Pas de règles = flou scénaristique = pas d'implication du spectateur
Mise en scène :
Peut être le point le plus facilement critiquable. Besoin de chevaux qui font peur ? Mettez leur poil noir, et leur crinière rouge comme le cheval de Ganon dans Zelda. Besoin d'un personnage fort mais sensible ? Mettez un géant barbu ultra-viril de 2 mètres et qui élève une fillette trop choupi. Besoin d'une religion oppressante ? Mettez un gros oeil à la Big-Brother partout comme UNIQUE symbole religieux. C'est du design niveau 1, quand on a 12 ans on pense qu'un perso avec les yeux verrons c'est trop stylé parce que ça le rends original, mais le film est suffisamment violent pour faire comprendre qu'il s'adresse à des adultes, alors pourquoi ces clichés dignes d'un film Barbie ? Sans rire, un des personnages méchant est borgne et s'habille en noir et rouge, et il est lié à un loup, alors le loup est aussi noir, et aussi borgne avec une cicatrice rouge. J'écrivais ce genre de méchants quand j'avais 13 ans et que je faisais du rôleplay sur Minecraft, vous plagiez le Maitre de l'animation pour faire CA ???
Aucun idée originale dans la mise en scène, les seuls plans intéressants sont certaines transitions 3D qui dénotent beaucoup de la stabilité ennuyante du reste du film.
Animation :
Je suis artiste peintre dans la vie, et j'ai travaillé dans le développement visuel dans le jeu-vidéo, et de mon point de vue, la qualité visuelle des anciens de Ghibli a pris un très gros coup dans la tronche. Les couleurs ont perdu toutes leurs symboliques, aucune cohérence visuelle globale, je suis sidéré que certains trouvent l'animation bonne voire excellente, je la trouve paresseuse, lente, souvent hors de propos, captant mal l'attention, bâclée et aux couleurs aléatoires dénuées des analogies qui soutenait jadis la poésie de Ghibli. Les décors sont vides, les tons aplatis et le peu de scènes détaillées sont plus recyclées que les chaussures en carton des bobos du marais. Encore une fois des idées pompées à Miyazaki qui étaient utiles aux histoires en question et maitrisées à l'époque, mais pas à celle-ci. C'était original et bien fait y'a 30 ans, maintenant j'ai une contrefaçon hors-de-propos des effets comme des fluides magiques ou des lasers ésotériques.
Portée symbolique :
C'est criant d'évidence, le film essaye de nous parler de la crise du COVID sans la moindre subtilité. Le film n'a aucun message, la fin est impossible à interpreter.
La morale c'est "Non fillette, retourne faire la boniche au camp pendant que moi je deviens Roi, laisse j'ai d'autres trucs à faire ?" Sans rire, pourquoi ne peut-elle pas être avec lui ? Pourquoi doit il absolument partir ?
Qu'est-ce ce ça dit sur la monoparentalité et la part de l'homme dans l'éducation ? Je trouve ça honteux.
Le genre :
Ce point en dernier, car ça sera un bon résumé, et je recoupe avec l'intro.
Après "Mary et la fleur de la sorcière" qui étaient un mashup raté entre Harry Potter, Kiki's Delivery Service et Le Chateau dans le Ciel, c'est le second film prétendument "quasi Ghibli" qui sort en France. Dans la bande annonce il y même écrit "Après Princesse Mononoke et Le Voyage de Chihiro", je ne comprends pas que ça soit légal, j'ai travaillé sur des jeux comme Avatar, si un jour je sort un court-métrage, il n'y aura pas marqué "Après Avatar..." sur l'affiche hein.
C'est là ce qui me fait dresser les poids d'horreur : je me rends compte que Miyazaki est devenu populaire pour les mauvaises raisons. Maintenant, il suffit de plagier son esthétique à outrance, d'embeaucher des anciens techniciens et pouf, on voit des titres comme "La nouvelle révélation, la resurrection de Miyazaki, le nouvel espoir de l'animation japonaise". Ce film est franchement très moyen, oubliable, commercial, inintéressant et à priori un navet inoffensif MAIS voilà le souci qui me fait déscendre la note (en plus du sexisme) : c'est l'émergeance d'un nouveau "genre : Miyazaki", et je ne veux plus voir des producteurs donner des sommes pareilles pour faire de tels flops alors que des centaines d'équipes ultra talentueuses dans le monde, Miyazaki lui même ou encore son fils, sont prêtes à re-faire des films magnifiques si on leur donnait le budget pour. Si vous donnez de l'argent au boxoffice de ce film en allant le voir en salle, "Miyazaki" désignera bientôt un nouveau genre d'animation commerciale, pseudo poétique pour nourrir les fils des bobos du monde entier. Je vous en supplie, ne laissez pas ce genre apparaitre, ne salissons pas les oeuvres d'un des plus grands génie du cinéma. Allez voir les films Ghibli, ils sont déjà très bien.
De toute façon, ce film n'a qu'un seul public potentiel : les adolescents nunuches qui ont vu Miyazaki dans leur enfance sans comprendre la portée symbolique, qui sont nostalgiques de l'esthétique et qui vont cirer au génie en allant voir ce grossier plagiat, préquel raté de La Princesse Mononoke.