Les rendez-vous annuels avec les films d’animation japonaise nous laissent souvent avec un sentiment de renouveau, bienvenu et parfois dans un élan de plaisir prolongé. La première réalisation de Masashi Ando, et de Masayuki Miyaji pour le seconder, nous rappelle ô combien il serait vain de toujours vouloir coller une étiquette aux nouveaux venus, qui ont peut-être fait leurs armes dans la même classe, mais chacun aura fait de son mieux pour laisser une empreinte distincte. Ce dernier a ainsi accompagné Hayao Miyazaki, Satoshi Kon, Mamoru Oshii, Isao Takahata et dernièrement Makoto Shinkai, dans un élan artistique caractéristique, qui pourrait lui faire défaut sur le papier, mais Ando compense correctement l’idée de comparaison avec une narration plus immersive et en économisant le verbe, afin que son nouvel univers prenne vie.
Il adapte alors le roman de Nahoko Uehashi, qui présente un territoire divisé par des tensions politiques, questionnant ainsi l’humanité et sa place dans un cycle de vie et de deuil. Autant dire que le récit ne lésine pas sur la radicalité de son point de départ, évoqué par un prisme fantastique, avant de se retrancher dans un développement plus terre-à-terre. C’est aussi déroutant que les transitions hasardeuses, qui peuvent propulser l’intrigue vers une justification des enjeux, mais ce sera plutôt avec maladresse que l’on avancera, les yeux noyés dans un visuel saisissant. Heureusement que tout ce qui pêche, est rattrapé par la vivacité des personnages, immédiatement attachants grâce à un sens commun des liens familiaux, qui n’a plus rien de secret, mais qui prouve que nous sommes loin d’avoir épuisé le potentiel émotionnel. Et ce sera de ce côté-là qu’on pourrait fatalement de fâcher, car le film ne s’accorde pas le luxe de mettre les sentiments au centre de la table.
Nous avons une famille recomposée, où Van prend soin de l’insaisissable Yuna, tous deux orphelins de la misère humaine et une mystérieuse épidémie. Le plaisir de les voir se retrouver est de courte durée, car nous virons rapidement dans un méli-mélo chaotique, où ils deviendront à la fois les cibles et les salvateurs du dernier acte, trop fonctionnel. Cela n’empêche pas de profiter d’un climat d’étrangeté, où la retenue semble être la pièce maîtresse du projet. L’action n’est qu’éphémère, comme tant d’autres moments clé, qui se rangent malheureusement dans le même tiroir. Il faudra alors s’armer de vigueur, pour compléter le parcours de personnages, en perpétuelle mutation, entre deux ellipses.
En somme, « Le Roi Cerf » est rempli de confusion dans sa narration, mais tente malgré tout de remettre la paternité à sa place, en confrontant deux notions, comme la science et les malédictions. La frontière est mince pour véritablement conclure et le film gagne à rester évasif sur certaines thématiques et issus, à l’image du pouvoir et de la responsabilité de Van, comme ambassadeur et extension de la nature vengeresse. Ando ne limite pas ainsi la poésie qui se dégage naturellement des enjeux, les sublime avec un toucher rare, mais qui manque de maîtriser le rythme, comme il le souhaiterait.