L’un des derniers fers de lance de l’animation traditionnelle, à main levée, est bien japonais et il serait impossible de le nier, sachant l’engouement que suscite presque chaque œuvre importée chez nous. Pourtant, il est toujours trompeur de considérer que les studios et animateurs ne font pas tout, afin de coupler l’expérience du crayon avec de la technique en trois dimensions, qui peut aisément dynamiser les points de vue et multiplier les regards sur une verticalité enchantée. C’est dans cette démarche que l’on retrouve Yusuke Hirota, qui est loin d’être de cadet de la maison. Il a supervisé l’animation sur la première partie de « Berserk : L'Âge d'or » ou encore « Shin Godzilla », des réussites. Et pour sa première réalisation, il est secondé par Akihiro Nishino, auteur du livre illustré, qui adapte et scénariste de ce même projet. Tous deux portent leur film dans une recette hybride, mais dont l’esthétique peut déjà rappeler « Spider-Man : Into the spider-vers », malgré sa conception authentiquement en CGI.
Un conte se dessine alors en face de nous, fait de récits rêveurs, au cœur d’une cité embrumée par une épaisse fumée noire, cachant ainsi l’au-delà d’un monde inconnu. Les nombreuses cheminées qui trônent font de cette ville industrialisée très cyberpunk. On y retrouve une aura singulière, un soir d’Halloween Party, ou comme un quelconque récit de Noël, une bienveillance, incarnée dans un amas de déchets venus à la rencontre d’un autre être que l’on repousse et que l’on craint pour sa différence. Lubicchi est par défaut un ramoneur, dont le métier le rapproche des étoiles qu’il recherche, mais qui l’empêche également de les atteindre en entretenant la fumée qui voile le ciel. Il n’y a donc plus de place pour lever les yeux sur un quotidien monotone et qui n’est pas près de renouer avec le passé. Sa rencontre avec ce fameux Poupelle changera pourtant la donne et lui accordera l’espoir qu’il a longtemps laissé germer de côté.
L’animation se veut ainsi explosive, dans le sens du rythme et dans la verticalité qu’il recherche sans cesse. De la rue aux toits, en passant par les boyaux de la cité minière, le jeune garçon ne fait que chuter, mais cette fois-ci aux côtés d’un ami, à l’écoute, l’aidant ainsi à surmonter un deuil que Lubicchi et sa mère étouffe dans un coin de leur esprit. Ce sont donc ses idées qui déferlent en cascades et qui rameutent la haine et le harcèlement sur son imagination. Sa quête des cieux est donc un parfait mélange, afin d’assumer un devoir de mémoire et d’assurer un avenir aux habitants, que l’on manipule trop facilement à coup de répression. Mais le collectif passe par un soupçon de confiance que le film distille dans le bon tempo, juste assez explicite pour s’adresser au jeune public et juste assez fin pour garder les aînés plus attentifs à leur façon d’aborder le courage de vaincre un mirage.
Pour ce faire, l’appui de l’homme-poubelle est précieuse et catalyse l’épopée d’un enfant très habile et sensible. Il se renouvelle, ou plutôt se recycle, à merveille afin de servir une ascension que l’on attend dans un dénouement poignant et magnifique. L’image capte ainsi ses personnages, prêts à se détacher de leur support 2D, car pour s’élever, il faut savoir épouser d’autres contraintes que le cinéaste japonais comprend, quitte à mettre de côté certains développements politiques d’un monde contrôlé sur la liberté de pensée. Pourtant, Lubicchi ne cesse de regarder vers le haut pour tromper son vertige et pour continuer de fantasmer sur ce qu’il y aurait de « L’autre côté du ciel », anciennement « Poupelle » (Eiga Entotsu Machi no Poupelle). Il s’agit ainsi d’une véritable sucrerie d’Halloween, dont la fable dégage des saveurs émotionnelles fortes et à la portée de tous.