En 2015, une crise des déchets a explosé au Liban suite à la fermeture d’une grande déchetterie et à l’échec du gouvernement à mettre en œuvre un plan d’urgence pour la remplacer. Déverser et brûler des déchets dans les rues est devenu monnaie courante. Un mouvement civil est né de cette crise et l’objet des manifestations a dépassé l’enjeu des déchets, soulevant des problématiques liées à la représentation civile, la corruption et l’inefficacité du gouvernement. En octobre 2019, une révolution a émergé mais elle a été suivie par un effondrement financier, la crise pandémique mondiale, et la troisième plus grosse explosion connue dans le pays en août 2020.
Costa Brava, Lebanon renvoie à une plage située près de Beyrouth et baptisée Costa Brava en référence aux plages d’Espagne. En 2015, elle est devenue une gigantesque décharge pour les déchets de toute la région. La réalisatrice explique : « Cet endroit, jadis sublime et aujourd’hui ravagé par la pollution, c’est un peu le résumé de notre tendance, au Liban, à détruire ce que nous avons de plus beau. Comme une attaque de gangrène et en même temps une menace qui ne cesse de grandir. »
L’histoire de cette famille, qui vit en autarcie dans une belle maison dans la montagne et dont la vie est anéantie par l’installation d’une décharge, est une allégorie de ce que vivent les Libanais. La réalisatrice développe : « Être libanais, c’est avoir des cicatrices ouvertes et, ce qui nous réunit, c’est une douleur extrême de perte mais aussi un désir de reconstruire. Le film est donc un retour à la nature, avec cette maison dans la montagne, qui est une conséquence du désir de fuir la ville. [...] Et la montagne, c’est aussi la tentation de l’exil, très présente au Liban depuis longtemps. Si, aujourd’hui au Liban, tout est difficile, même les choses les plus simples, partir aussi est difficile. »
Pour le rôle de Rim, la réalisatrice recherchait une enfant très extravertie et a rencontré des dizaines d’enfants, avant de voir la vidéo d’une petite fille « qui parle, crie, gesticule, et qui ne semblait avoir peur de rien ni de personne. » Elle découvre qu’elle a une sœur jumelle au caractère totalement opposé : « L’une est très calme, un peu comme une petite vieille dans un corps d’enfant, et l’autre est quasiment droguée à l’énergie. J’ai donc travaillé avec les deux enfants dans le film, en jouant aussi sur leurs tempéraments, et pas toujours en fonction de leurs comportements naturels mais aussi à contre-emploi, ce qui permettait beaucoup de possibilités. Et tout s’est passé merveilleusement, elles étaient très disciplinées devant la caméra et donc elles étaient très fières. »
La première réunion de planification du film a eu lieu le 4 août 2020, jour des deux explosions dans le port de Beyrouth. « Nous venions de terminer et chacun s’apprêtait à partir quand l’explosion a eu lieu, à 18h07. Tout a volé en éclats… Pendant de longues minutes, nous avons cherché ceux qui travaillaient dans les bureaux, sans savoir s’ils étaient blessés ou morts. C’était très angoissant », se souvient Mounia Akl. « Pendant deux mois, rien n’était possible, le film comme tout le reste. Cela a également été une période de questionnement profond. C’est la question même de créativité qui a été au centre de mes interrogations. Est-ce que cela avait encore du sens ? Mais j’aime penser que c’est aussi un trait de ceux qui ont vécu et vivent encore ces situations. Il faut continuer, c’est notre devoir et c’est une question de survie. »