Aaah Harry Potter ! Peu d’oeuvres peuvent prétendre avoir fait rêver le monde entier, d’abord en littérature, puis au cinéma. ‘’Harry Potter à l’école des sorciers’’ (où plutôt ‘’Harry Potter et la pierre philosophale’’) de J. K. Rowling avait lancé cette superbe saga littéraire en 1997. Dès lors, il était naturel que le cinéma s’empare de cette œuvre déjà culte. Ce qu’il fit : ‘’Harry Potter à l’école des sorciers’’ sort en salle en 2001 et sans surprise connaît un énorme succès rapportant près d’un milliard de dollars pour un budget de 125 millions de dollars. L’entreprise était unique : adapter les livres de J. K. Rowling, cela signifiait se lancer dans un défi d’au moins sept ans. Il fallait par exemple s’entourer d’acteurs ‘’ponctuels’’, qui acceptaient d’interpréter le même rôle régulièrement. Supervisé par le producteur David Heyman, la saga Harry Potter connaîtra quatre réalisateurs différents chacun apportant avec plus où moins (et hélas, ce sera vite moins) de bonheur sa pâte à la saga. Pour débuter, le spécialiste des films familiaux, l’américain Chris Colombus (‘’Maman j’ai raté l’avion’’ et ‘’Mrs. Doubtfire) est en charge de la réalisation. Choix sans prise de risque et finalement assez logique : il aurait été beaucoup plus risqué de faire appel à un réalisateur aux partis pris trop extrême, style Terry Gilliam (que voulait J. K. Rowling). La question était de savoir si ce premier opus relevait les défis posés.
Faut-il vraiment rappeler l’histoire ? Celle d’Harry Potter, élevé chez sa tante et son oncle qui le détestent et qui découvre le jour de ces onze ans qu’il est un sorcier. Le géant Hagrid vient le chercher pour l’amener à Poudlard, l’école de sorcellerie, dirigé par le légendaire sorcier Albus Dumbledore. Il y rencontrera Ron et Hermione qui deviendront ses amis et devra affronter Voldemort, le mage noir qui tua ses parents il y a onze ans.
En s’attaquant à la saga de Rowling, trois grands défis étaient à relever. Premièrement (c’est peut-être ce qui fait le sel de cette série), il fallait reconstituer l’ambiance merveilleuse du premier livre. Tout cet univers foisonnant, il fallait le traduire en image. On aurait pu tomber dans une immonde bouillie visuelle (on y tombera d’ailleurs pour certains épisodes antérieurs…). Heureusement, il n’en est rien. Visuellement, ce premier opus surpasse toutes nos attentes. Alternant scènes tournées en studio, scènes tournées en décors naturels et éléments générés par ordinateur, l’illusion est parfaite. La moindre des choses qu’on puisse dire, c’est que le film flatte nos pupilles. Chris Colombus connaît son métier même si sa réalisation n’a rien de bien original. Non, c’est en vérité l’équipe artistique qu’il faut féliciter. Le chef opérateur John Seale (oscarisé pour ‘’Le patient anglais’’) apporte de chaleureuses couleurs via une belle lumière mordorée. Les décors du grand Stuart Craig (oscarisé pour ‘’Gandhi’’, il sera de la partie pour l’ensemble des films Harry Potter) sont, grâce à cette lumière, particulièrement bien mis en valeur. Il y a quelques fautes de goût (un troll qui n’a rien d’original esthétiquement) mais, qui n’a jamais eu envie d’entrer dans le film pour dévorer ces si appétissants gâteaux qu’on peut voir lors du banquet d’Halloween. C’est l’une des réussites : ce monde est séduisant, même dans sa noirceur(cette belle partie d’échec modèle géant). Esthétiquement, le film est donc une réussite. La magie est là. Et elle explose grâce au puissant magicien du cinéma qu’est John Williams. Sa BO (pas seulement le thème d’Hedwige) est juste magnifique : en un mot, magique !
Deuxièmement, il y a le travail d’adaptation effectué par Steven Kloves (qui travaillera sur tous les épisodes excepté ‘’L’ordre du phénix’’). Ce défi n’était toutefois pas le plus délicat à relever sur ce premier film. En effet, l’intrigue du livre était à la base très simple. Pour le premier ouvrage, J. K. Rowling s’était essentiellement concentrée sur la présentation de l’univers et des personnages, l’intrigue passant au second plan. Le livre, peu épais n’offrait pas encore un grand défi d’adaptation. Cela se sent à l’écran. Steven Kloves n’a pas effectué de coupe discutable. En 2h18 (générique non compris), l’univers est posé, l’intrigue s’est déroulée de manière fluide et les relations entre les protagonistes sont établies. Bien entendu, et ce sera la limite de tous ces films, le regard extrêmement tendre de Rowling pour ses personnages, les pensées d’Harry où encore la petite scène qui ne fait pas avancer l’intrigue ne pourront jamais être traduits à l’écran. C’est ce qui limite cette entreprise cinématographique : pourquoi voir les films quand on peut lire les livres plus forts, plus personnels et surtout plus complets ?
Troisièmement enfin, il y avait comme défi la distribution. Quels acteurs prendre pour Harry, Ron, Hermione et tous les autres personnages, déjà si ancrés dans les mémoires du public (en 2001, quand ce film-là sort, Rowling a déjà écrit et publié les quatre premiers tomes !) ? Concernant les seconds rôles, on a droit à tout le gratin du cinéma et du théâtre britannique. Richard Harris en Dumbledore, Maggie Smith en McGonagall Robbie Coltrane en Hagrid et l’inénarrable Richard Griffiths en Vernon Dursley sont des choix judicieux. Et il nous suffit d’entendre la voix d’Alan Rickman en Rogue pour entrer définitivement dans le film. Mêmes les plus petits rôles sont bien campés : John Hurt en une scène rend troublant le personnage d’Ollivander, plus encore que dans le livre ! Après, il y a les trois acteurs principaux. Et là, on peut regretter que Daniel Radcliffe, Rupert Grint et Emma Watson en fassent des tonnes. C’est bien simple, ils adoptent tous les tocs du gamin émerveillé. Et que j’écarquille les yeux, et que je suis bouche bée… Ce n’est pas forcément leur faute, Chris Colombus a la fâcheuse tendance à faire cabotiner les enfants acteurs dans ses films. Ici, cela est frappant avec Ron qui traduit sa nervosité par une déglutition trop appuyée (il le fait deux fois : d’abord quand il apprend que Voldemort veut de nouveau tuer Harry, puis quand Neville tente de les arrêter à la fin du film). Mais à l’instar de la réalisation et de l’adaptation, le jeu des trois acteurs va peu à peu évoluer, en bien comme en mal.
Pour son baptême de l’air cinématographique, Harry Potter partait bien. L’univers de Rowling est plutôt brillamment retranscrit à l’écran. On peut émettre des réserves sur l’interprétation des trois acteurs principaux et sur l’aspect un peu trop enfantin du film. Mais l’histoire de ce gamin qui commence dénué de tout (de réelle famille, de réel foyer, d’amis) pour finalement tout gagner est digne des plus beaux contes de fée. ‘’Harry Potter à l’école des sorciers’’ n’est pas le meilleur opus de la saga, il est simplement celui que tout le monde doit voir. Pas tellement parce qu’il est le premier épisode, mais parce qu’il est celui où Harry effectue un vrai parcours du personnage. Un film à redécouvrir en salle en 2018.