Le harcèlement scolaire est déjà passé par la monstrueuse « Carrie au bal du diable » de Brian De Palma ou encore par l’asphyxiant « Respire » de Mélanie Laurent. Le sujet ne cesse d’ailleurs de se décliner sous d’autres formats, à travers un regard plus cru et authentique. C’est dans cette démarche que Laura Wandel aborde son premier long-métrage, où les comédiens ne font plus qu’un avec la réalité sociale du quotidien. Chacun est étroitement lié à ce carnage que génère la cour de récréation ou ce qui peut se tramer dans le dos des adultes. En remontant jusqu’à l’école primaire, on remonte déjà à la source d’un maillage de violence et de peines, qui ne sauvegarderont ni le mental des parents, ni ceux des enfants, qu’ils soient spectateurs, témoins ou victimes.
L’école admet encore des zones d’ombre, qui tranchent radicalement avec la nonchalance d’une vie active. Il faudra se mettre à hauteur d’enfant, afin de justifier leur présence et leur impuissance, dans le bien ou le mal que l’on peut traverser. Mais quelle est la limite à tout ce rapport de force, dont on cherchera ardemment à expliquer, sans pouvoir y répondre franchement ? L’esprit d’un enfant est peut-être simple à résumer, mais plus complexe à décortiquer. Pourtant, la réalisatrice belge nous envoie des signaux plus qu’inquiétants sur le principe de loyauté, qui tiraille Nora (Maya Vanderbeque), la sœur cadette d’Abel (Günter Duret), persécuté par ses camarades, dont on ne comprendra jamais vraiment les motivations. Le sens du récit s’oriente davantage sur le constat, celui d’un enclos, suffisamment grand pour y cultiver une détresse sans pareil, où l’individu ne peut dominer la masse ou simplement un excès d’orgueil.
Le cadre nous rappelle constamment la pression et la tension qui règne à chaque instant, en plus d’un brouhaha incessant, qui domine chaque moment défaillant et confus, où Nora cherche un refuge auprès de quelqu’un. Ce n’est pas anodin de la voir associer à une esquisse de chute ou à un plongeon, car elle-même perd l’équilibre et la force de flotter. Les bouffées d’oxygène se feront rares, mais l’on tente toutefois de sonder différentes issues possibles pour les victimes de harcèlement, comme pour leur bourreau. Bien que les adultes tranchent en partie sur ces nombreuses négligences, qui sont dues à un accompagnement parfois défaillant, pas seulement par manque de rigueur, mais par manque de moyens. Nous sentons une surveillance désarmée et avant même d’évoquer l’efficacité. Mais comme le mal est déjà fait, il n’y a plus que des cicatrices à soulager. Ce décalage répond directement aux établissements publics, surchargés par les tâches et submergés par le nombre d’élèves à encadrer.
« Un Monde », où à tout moment l’arrosé peut devenir l’arroseur. C’est également un univers où la portée des mots n’atteint pas des écoliers, qui ne cherchent qu’un peu de tendresse, entre la misère du foyer et un domaine sans foi ni loi. Adultes en hors-champs, comme parfois les drames que l’on ne souhaite pas soutenir du regard ou que l’on souhaite simplement se détacher, c’est une douce et amère illusion que rencontre Nora, qui peine à exister. La courte durée de l’intrigue et ce rythme qui ne cesse de brider l’espoir, rendent l’œuvre émotionnellement éprouvante, mais souffre en pertinence dans la pédagogie. Là, où l’école s’efface, là où les enseignants n’ont plus le pouvoir de parrainage sur leurs écoliers, on ne leur demande pas d’être lucide ou de comprendre. Hélas, on leur demande d’accepter, que ce soient leurs camarades, leur comportement, leur faiblesse ou leur sort. Mais eux, jamais, n’accepteront pleinement cette vérité.