J'étais très intéressé par le sujet, et la bande-annonce avait réussi à me convaincre. J'ai été déçu. Vous connaissez peut-être ce genre de personnes, particulièrement irritantes : celles qui, au lieu de vous envoyer par MMS l'image d'un objet quelconque, vous envoient un selfie dans lequel leur visage occupe les trois quarts de l'image, et l'objet, qu'elles tiennent à la main, n'est qu'un petit détail. C'est exactement l'impression que ce film me laisse : un sujet intéressant, une documentation qui mérite le détour, mais tout cela n'est finalement que le prétexte pour parler du personnage (qui est également l'auteur du scénario, et de toute évidence sa propre personne est un thème qui la passionne), de sa découverte du problème des marées vertes, de son rapport personnel à ce sujet, de son couple confronté à ses recherches sur ce sujet, de son chien ... mais finalement très peu, trop peu, des algues vertes elles-mêmes, de leurs causes de leurs origines, de l'omerta qui les entoure. Bref : ce qui était vendu comme une enquête ou de docu-fiction est en réalité une sorte de drame intimiste lent, dans lequel le sujet principal n'est évoquée que par petites touches, ici et là, et jamais vraiment en profondeur.
Mais le film n'est même pas bon en tant que film intimiste : l'écriture des personnages est creuse et monolithique : Inès est toujours vertueuse, convaincue qu'elle a raison, courageuse; Judith est toujours aimante, toujours d'humeur égale, toujours pleine de compréhension : il n'y a ni subtilité, ni conflit émotionnel, ni toutes ces petites contradictions qui font qu'un personnage est humain et nous donne envie de développer de l'empathie pour lui. De sorte que la conclusion de l'histoire du couple, à la fin du film, tombe totalement à plat, puisqu'il n'y a jamais eu, au long de la narration, d'enjeu ni de conflit à résoudre.
Dans l'ensemble, l'écriture reste le problème principal. Des scènes entières ne servent à rien
(comme quand, à plusieurs reprises, après une scène significative, on a droit à Inès réexpliquant à Judith, quasiment mot pour mot, ce qu'on vient de voir à l'écran; ou encore la scène de la rivière ensanglantée, visuellement réussie et avec un certain effet choc, et même présente dans la bande-annonce ... et qui n'a ensuite AUCUNE conséquence dans la narration);
d'autres créent des attentes qui ne seront jamais réalisées
(le chien est longuement présenté, pour finalement ne jamais servir à l'intrigue; des rodeurs autour de la maison font monter une tension qui n'aboutira jamais à rien, etc.)
, d'autres encore
(la rencontre avec le dirigeant FNSEA, la discussion avec le gendarme...)
sont si mal jouées que ça en est dérangeant; certains conflits qui semblent majeurs
(comme l'histoire du rapport de gendarmerie)
sont finalement résolus hors-champ .... bref, en tant que narration cinématographique, c'est très mauvais.
Alors bien entendu, c'est un film basé sur des faits réels, à peine romancés. Certes. Mais justement. Il reste au milieu du gué, et c'est bien là le problème : en tant qu'oeuvre cinématographique, c'est un documentaire insatisfaisant, tout en étant une fiction particulièrement mal écrite. A rechercher le meilleur des deux mondes, on se trouve avec, sinon le pire, du moins le médiocre. Un vrai documentaire, un vrai polar ou un vrai drame personnel auraient été préférables à ce film qui ne sait jamais vraiment ce qu'il est et qui, au final, se perd et s'affadit sans jamais trouver son ton.
Pour autant, tout n'est pas à jeter : "Les Algues Vertes" n'est pas un mauvais film; juste un film moyen, un peu médiocre. Mais la photographie est belle, le jeu de Céline Sallette est agréable et convaincant (difficile à juger pour Nina Meurisse, desservie par un personnage qui, bien que principal second rôle, n'a aucune consistance ni personnalité) et quelques-uns des seconds rôles sont très bien campés.