Placés est la première réalisation de Nessim Chikhaoui, co-scénariste des quatre Tuche. Le projet est né d’une rencontre avec le producteur Matthieu Tarot. Le metteur en scène se rappelle : "Nous discutions de tout et de rien et, au fil de la conversation, je lui ai raconté mon passé d’éducateur spécialisé - dix années auprès de jeunes placés en Maison d’Enfants. A quel point j’avais aimé cette époque, et combien les facettes de ce métier étaient méconnues du grand public. Je lui ai aussi dit que j’avais commencé à écrire un peu sur ce sujet... Et là Matthieu s’est emballé et m’a dit : « C’est ça le film que tu dois faire. 10 ans dans la vie d’un éducateur. Fonce ! ». Pour nous deux, c’était devenu une évidence."
Nessim Chikhaoui a voulu aborder la thématique des Maisons d’Enfants à Caractère Social (MECS) de manière moins sombre que dans la plupart des films sociaux français : "J’avais envie de montrer qu’il peut y avoir aussi de la vie, de la joie, de la bonne humeur, sans pour autant occulter les moments difficiles. C’est sûrement pour cela que, pour moi, ces 10 années passées auprès des jeunes sont – et cette expression avait beaucoup plu à mon producteur - les plus belles années de ma vie. Parallèlement, j’ai voulu ancrer le film en banlieue. De là d’où je viens, et d’en présenter une image différente, pleine de bienveillance ; à rebours du cocktail des clichés habituels- drogue, bagarres et émeutes."
Pour écrire les personnages, Nessim Chikhaoui s'est inspiré de jeunes dont il s'est occupé, à savoir des cas très difficiles qu'il récupérait lorsque les familles d’accueil craquaient... "Les MECS, c’est une équipe très structurée d’une dizaine d’éducateurs, différents les uns des autres. Le jeune peut se sentir plus facilement des affinités avec l’un ou avec l’autre. Et, surtout, ces personnes lui sont dédiées. Ce qui n’est pas le cas des familles d’accueil, où, deux parents élèvent souvent leurs propres enfants en même temps que les enfants accueillis (jusqu’à 3 enfants par famille en théorie, mais en pratique souvent plus). On leur confie en priorité des enfants en bas âge qui ont davantage besoin d’un cadre familial traditionnel", explique-t-il.
Nessim Chikhaoui a imaginé Placés comme un mélange de Nos jours heureux et Polisse retranscrivant à la fois la gaieté de l’enfance et la dureté de la réalité. Il confie : "D’autres éléments entrent en jeu dans le film : la famille d’Elias, très chaleureuse, et sans cesse occupée à mettre sous pli des imprimés de la mairie à l’intention des administrés. Et les copains, presque tous employés à la RATP, qui n’en finissent pas de faire de la pub pour la Régie. Avec eux, on est vraiment dans la comédie pure ; parfois presque dans le burlesque, parfois aussi dans une forme de poésie. Je viens de la comédie et je tenais beaucoup à ces moments. Ils aident Elias à se déconnecter du foyer et ils sont tout simplement drôles."
Au départ, Nessim Chikhaoui voulait prendre des jeunes vraiment placés en foyers, pour leur donner une chance. Mais compte-tenu du confinement, le cinéaste a dû renoncer. Il se souvient : "Comme Manon Le Bozec, la directrice de casting des enfants, ne pouvait pas se rendre dans les écoles, elle a passé une annonce sur Instagram. Elle effectuait une première sélection vidéo qu’elle me présentait et je choisissais les enfants à rencontrer. On en a vu beaucoup. Mais dès les premières secondes, dans leurs yeux, je savais avec qui ça allait marcher. Victor Le Fèvre, qui joue Samir, Lucie Charles-Alfred, remarquable dans le rôle d’Emma, Moussa, qui joue François, la petite Syrine, qui joue Laura, je les ai reconnus au premier coup d’œil."
Nessim Chikhaoui voulait une ambiance musicale correspondant à ce qu'il écoute, à savoir une musique assez urbaine, entre le hip hop et le rap. Pascal Mayer, le directeur de Noodles qui s’est occupé de la supervision musicale, lui a permis de rencontrer le compositeur Demusmake :
"Lui et moi avions des références communes, notamment Kid Cudi, Ratatat et Gilles Scott-Eron, et nous nous sommes vite accordés sur un univers dans lequel j’ai réussi à mettre quelques-uns de mes chanteurs favoris – le rappeur Dinos et Rachid Taha, côté musique orientale", explique le réalisateur, qui poursuit :
"Mais ma grande fierté, est ce morceau que l’on entend à la fin et que l’on a baptisé Placés, une chanson dont j’avais les thèmes en tête et que Demusmaker a instrumentalisée. Elle est écrite et interprétée par les trois acteurs – Aloïse Sauvage, Moussa Mansaly et Victor Le Fèvre - et va bientôt sortir en single."
Shaïn Boumedine incarne le personnage principal de Placés, Elias. "Il était dans ma shortlist. Je l’avais vu dans Mektoub My Love et dans Les Sauvages. Et David Bertrand, le directeur de casting, m’a beaucoup poussé à le rencontrer. Shaïn est entré dans la pièce, et le soleil est entré avec lui. Il a un charisme dingue. Avec son côté à la fois sérieux, studieux, un peu enfantin, qui renforce les moments où il s’énerve et craque, Il apporte énormément au film. J’ai eu le même déclic pour Naïlia Harzoune, qui joue Mathilde : j’ai aimé son caractère bien trempé, son côté espiègle, son mystère. Elle rassemblait beaucoup de choses", confie Nessim Chikhaoui.
L'équipe des éducateurs est très éclectique : Marc, le directeur (Philippe Rebbot), un peu éruptif, Adama (Moussa Mansaly), "plutôt cool", Cécile (Aloïse Sauvage), stricte et sans grandes illusions, Mathilde (Naïlia Harzoune), fusionnelle et enfin Michèle (Julie Depardieu), alcoolique et divorcée. Nessim Chikhaoui précise : "J’ai adoré créer le personnage de Julie que j’avais d’abord imaginé sous les traits d’un homme. La clé du personnage c’est d’être privé de ses enfants alors qu’il en élève d’autres. Philippe Rebbot en directeur de MECS est à l’image des directeurs que j’ai connu : les seules batailles qu’il est certain de perdre sont celles qu’il ne mène pas. Tous les acteurs du film sont une partie de ceux qui m’ont entouré pendant mes 10 ans en foyer."