Vanilla Sky est film américain, remake d'Abre los ojos d'Alejandro Amenabar. J'insiste tout de même sur le fait qu'il n'en reste pas moins un film unique et un chef d'oeuvre à part entière, se distinguant de l'original à travers bien des procédés, qui le rende encore plus puissant. L'intérêt de tout remake n'est pas de reproduire avec exactitude l'oeuvre originale, mais d'apporter une touche personnelle, qui peut changer la vision qu'on en a, pas fondamentalement, mais par l'intermédiaire de subtilités, qui au final, deviennent fondamentales justement, qu'on le veuille ou non. Cameron Crowe réussi ici à nous plonger dans l'univers retranscrit par cette histoire avec plus de magie que son prédécesseur, en jouant sur tout ce que le cinéma se permet d'offrir aux spectateurs.
Si ce long-métrage est divisé en deux parties distinctes, elles ne sont pas pour autant opposées de manière barbare, bien au contraire, mais entrecoupées avec finesse, se rejoignant l'une et l'autre pour ne former qu'un tout, qui mêle rêve et réalité, fiction et réalité, filmique et philosophique. Le travail effectué sur ces deux parties reste le même, celui de jouer sur l'image et le son, pour intégrer un élément isolé dans un tout, qui ne trouve un sens que lors du dénouement final. Dénouement qui surprend, mais qui n'est en réalité que logique pure au vu de tous les indices glissés au long de l'histoire. Ce qui est essentiel, ce n'est pas ce que nous voyons, en temps qu'histoire à proprement parlé, mais les images qui se cachent derrière cette histoire. Plus que jamais Cameron Crowe joue sur le non-dit, le suggéré, l'illusion, l'effet sonore, pour transmettre sans cesse des messages au spectateur, messages qu'il n'interprétera peut-être qu'après plusieurs visionnages, tant ils sont riches, subtils, et nombreux.
La scène d'introduction évoque d'emblée l'aspect étrange qui plane sur ce film, nous faisant survoler l'histoire avec toujours ce même gêne, cette même impression de ne pas savoir, de douter. Et quand j'évoque la scène d'introduction, je devrais en réalité dire les deux scènes d'introduction. Que ce soit avant le premier réveil ou avant le second réveil, elles intègrent toutes deux des effets de style qui les rendent particulièrement intéressantes, et qui aspirent avec une facilité déconcertante le spectateur dans l'ambiance du film.
Car, outre son scénario intelligent, si ce long-métrage se distingue tellement, c'est aussi et surtout grâce à l'atmosphère qui s'en dégage. Tantôt édulcorée, tantôt sombre, nous passons du rêve au cauchemar, de la réalité à la fiction, en ayant pour portrait ces couleurs qui accompagnent les situations, avec toujours cette justesse étonnante, et ce désir de perfection plus que visible, symbole même du choix du titre : Le ciel vanille, qui joue un rôle important, plus qu'il n'y parait en tout cas.
Perfection visible, et perfection audible, aussi. Les bruits de fond qui accompagnent de nombreuses séquences, à la limite d'être imperceptibles, donnent une dimension au film que je n'ai pu pleinement apprécier, ou du moins comprendre, qu'après plusieurs visionnages. Plus que des effets de style (qu'ils sont aussi), ce sont des bruitages qui accompagnent l'histoire hors de l'histoire. Cela reste vague, mais en prêtant grande attention à ce fameux travail sonore, tout en connaissant l'issue du film, il apparait comme sublimé, et il y trouve toute sa logique. Accompagnant ce travail de mise en place d'une ambiance unique, en plus des couleurs et des sons, il y a cette bande originale, si particulière, qui se colle aux images avec une élégance rare. C'est comme si l'on avait imaginé les actions à partir des musiques, qui ne peuvent pas mieux correspondre à ce qu'elles représentent.
Un désir de perfection si poussé ne donne pas toujours un film parfait. Mais ici, le film tire bénéfice de cette intention, et n'en devient rien d'autre qu'une oeuvre magistrale, que je juge inépuisable, tant elle permet à chaque fois d'offrir une nouvelle expérience. Oser ouvrir les yeux et plonger son regard dans ce film, c'est oser être embarqué dans un état qui frise la folie, qui ne laisse aucune seconde de répit, tant il s'empare de nous et nous transforme en David Aames, subissant les mêmes interrogations, les mêmes joies, les mêmes peurs ; le même rêve, le même cauchemar. Quand en plus de cela nous nous retrouvons devant un casting qui se surpasse, renvoyant tous les sentiments évoqués à travers les deux heures de film, avec tant d'impact, on ne peut qu'être sous le charme.
Avant d'être une histoire d'amour, de manipulation, de folie, ou que sais-je, Vanilla Sky n'est autre qu'un hymne au romantisme, aux rêveurs, pantois d'admiration devant tous ces sentiments sur lesquels ils n'arrivaient jamais à mettre des sons, des images, avant la visualisation de ce film. Je n'ai qu'un conseil à ceux qui hésiteraient encore à le découvrir : Open your eyes.