Ai vu "Guermantes" le film doc-fiction de Christophe Honoré avec une partie de la troupe de la Comédie-Française. Je ne peux que crier haut et fort mon admiration, mon grand attachement aux comédiens de cette sublime institution, dont je suis le travail très régulièrement et qui m'ont fait délaissé l'Opéra de Paris. Mars 2020 : comme chacun sait tout le monde se confine... et à la Comédie Française à trois semaines de la première du grand spectacle attendu de l'année "Guermantes" d'après Proust, la production se retrouve à l'arrêt pour être reportée en Juillet suivant... puis annulée tout simplement... Christophe Honoré tout déçu et blessé fera donc un film sur cette aventure qui intègre des moments de répétition, des à-côtés, des digressions, des longueurs et du rien. Evidemment l'on comprend bien qu'en si peu de temps il n'y ait pas eu le temps d'écrire un réel scénario, donc la place à l'improvisation est grande, intéressante, surprenante et "questionnante". Entre les répétitions intenses et bordéliques nous voyons la troupe parlementer sur l'arrêt net de la production, pique-niquer dans les jardins de Marigny, dormir et rire dans les loges et entre les rangées de fauteuils, téléphoner et confier leur soulagement que la production ne se fasse pas (ce qu'on peut comprendre quand on voit les quelques extraits du spectacle...) ou quitter leur psy avec fracas, flirter, dessiner (avec un immense talent) chanter (avec un talent tout aussi grand)... et ce pendant 4 jours. Alors oui, quel bonheur de voir et d'entendre l'émouvant Stéphane Varupenne camper Marcel et jouer de la guitare si parfaitement, la pétillante Julie Sicard fumer un joint, la solitaire Anne Kesler qui croque au fusain de loin des moments de vie, l'impériale Elsa Lepoivre aussi rayonnante dans la vie que sur scène, le si drôle et touchant Serge Bagdassarian, le nombrilisme et maladroit Laurent Lafitte, le magnétique Sébastien Pouderoux dont la caméra complaisante d'Honoré colle aux fesses dans tous les sens du terme, avec grande insistance... Mais pendant 2h20 ce n'est pas possible. C'est encore plus long et répétitif que les séances diapos de mon enfance. On ne sait jamais si les comédiens jouent un rôle où si c'est vraiment du documentaire.... on en ressort en concluant que c'est probablement un mélange des deux, mais il se dégage comme un malaise. Qu'à voulu vraiment faire et dire le metteur en scène ? La réponse restera énigmatique. L'idée est très intéressante même si ce n'est pas nouveau ; filmer de l'intérieure cette troupe de théâtre au travail et dans la vie de tous les jours... mais pour dire quoi ? Les petites histoires du quotidien sont amusantes et touchantes mais s'évaporent comme des bulles de savon dont il ne reste rien après 5 secondes. Je ne peux cacher mon plaisir d'avoir vu ces grands comédiens sur un grand écran et au naturel, de vivre un petit bout de leur confinement, de leurs angoisses, de leur fraternité renversante nimbée de petits coups bas qui font mal... mais comme j'avais suivi sur le site de La Comédie Française tout le travail journalier et passionnant de toute l'équipe à travers des discutions et des lectures, je n'ai pu qu'être aussi déçu de ce film qui ne relate que de l'anecdotique. Christophe Honoré se retrouve bien seul face à une troupe relativement soudée... d'ailleurs sous la contrainte de répéter pendant plusieurs jours alors que le spectacle n'aura pas lieu, la troupe se fédère de plus en plus jusqu'à une soirée au Ritz très amusante... et le metteur en scène quitte le navire petit à petit ne participant plus que de loin et puis plus du tout aux soirées et aux moments collégiales pour se retrouver chez lui à draguer un jeune comédien (le seul à ne pas être dans la troupe ...gros malaise du spectateur). Est-ce cela le sujet du film ? Un metteur en scène connu qui a été choisi et désiré par une troupe quadri-centenaire et qui se sens petit à petit délaissé, désillusionné et abandonné ? On ne peut que reprocher au réalisateur son manque de rigueur quand on montage (mais y en a t il vraiment un, tant on a l'impression de voir l'intégralité des rushes). J'ai tout de même été très touché entre deux moments de léthargie par ces personnalités si fortes, ces acteurs si généreux et entiers qui ne sont pas toujours filmés à leur avantage. Mais à part à quelques parisiens qui suivent régulièrement le travail de cette institution à qui s'adresse ce film ?