J'adore Christophe Honoré, j'adore Proust, mais là je ne suis pas certain de suivre la démarche.
En fait j'ai beaucoup aimé tout le début du film que j'ai trouvé formidable où on suit une troupe de théâtre, qu'on comprend être la comédie française et qui a voté pour ne pas jouer le spectacle Le côté de Guermantes mis en scène par Christophe Honoré. On comprend les questionnements vis à vis de la situation sanitaire, sur le fait que c'est vain de répéter un spectacle qu'on ne va pas jouer (il me semble que dans la vraie vie du monde véritable ils l'aient tout de même joué). Et puis on a tous les questionnements sur la mise en scène d'un type qui vient plus du cinéma que du théâtre, les doutes des comédiens, etc.
En plus on a quelques lectures/réinterprétations de Proust qui sont délicieuses, ça me donne, encore une fois, envie de continuer à lire La Recherche.
Et puis on se rend compte que ce qui intéresse Honoré c'est pas forcément tant les répétions que les personnages, leurs questionnements amoureux, leur vie, leurs désirs... je dois dire que moi je m'en contrefous. Alors oui, voir un vieil homosexuel explique que le rapport au corps de l'autre durant la pandémie, avec ce corps de l'autre qui est un danger potentiel, lui rappelle l'épidémie du Sida lorsqu'il était plus jeune, ben ça dit quelque chose et sans doute que Honoré touche quelque chose d'assez juste et il y a quelques fulgurances comme ça dans ce film qui est beaucoup trop long. Mais la majorité du temps, ben c'est juste inintéressant ces vies de grands bourgeois dont je suis bien incapable de comprendre le comportement.
Je m'explique...
Ils répètent dans un théâtre, le soir, ils mangent ensemble et va savoir pourquoi ils décident de dormir tous sur place... pourquoi ? ils n'ont pas tous un appart à Paris (un pied à terre comme ils aiment dire) ?
Et je n'y crois juste pas à ces gens qui plutôt que de prendre un taxi vont dormir par terre sur la scène du théâtre.
Si on voulait raconter la proximité entre ces acteurs, les faire répéter dans un lieu reculé, lors d'une retraite ou que sais-je, où il était prévu qu'ils dorment sur place aurait eu plus de sens. Je veux dire on voit quand même des trucs totalement déconnectés du monde, avec des bourgeois se réjouir de dormir sur des bancs publics. Les SDF chics.
Révulsant.
Le film dure quasiment deux heures trente, il fallait couper une heure, se recentrer sur ce qui fonctionne : le théâtre.
Et puis vraiment un truc qui m'a marqué, c'est qu'à aucun moment ils ne se posent la question de l'argent. Ils ne vont pas jouer, mais ils ne se disent pas qu'ils ne vont pas être payé. C'est quand même un sacré luxe, encore plus en période de pandémie de n'avoir pas du tout à se poser la question de l'argent alors qu'on est au chômage technique.
Alors on me répondrait, sans doute à raison, que c'est un côté proustien, plongé dans cette bourgeoisie, qu'on se surprend à apprécier et dont on embrasse finalement les passions, mais là ça ne prend pas. C'est trop artificiel. Disons qu'il manque vraiment un côté crédible pour se prétendre être un film "naturaliste" sur une troupe de théâtre, tout semble trop écrit.
Bon j'avoue que je me suis bien marré à la passion d'Honoré de foutre tout le monde à poil, surtout les mecs, mais malgré tout je ressors de là partagé, entre des moments de grâce qui fonctionne vraiment bien (Lafitte est exceptionnel dans toutes ses scènes, notamment une où il joue un Cyrano de Bergerac totalement gay) et d'autres qui rallongent inutilement un film déjà trop long et qui n'a pas grand chose à dire.
Je crois que c'est ma première déception chez Honoré depuis Non ma fille tu n'iras pas danser. Triste.