Voilà un récit qui fait du bien à l’âme et au coeur.
Voilà un nouveau récit où la banlieue avec la cité est valorisée par deux jeunes filles à la tête bien remplie.
Je précise « la cité » car le mot « banlieue » est souvent associé à « la cité » avec jeunes désoeuvrés ; alors que « la cité » ne signifie pas systématiquement banlieue.
Et puis banlieue parisienne c’est aussi Neuilly-sur-Seine !
Voilà un exemple où les parents ont été importants dans l’éducation de leurs enfants.
Ah ! me direz-vous, ce n’est pas donné à tout le monde que d’avoir des parents intéressés par la musique classique.
Pourtant il n’est pas nécessaire d’écouter de la musique classique pour élever au mieux ses enfants, il suffit de transmettre un peu de connaissance, ne pas tout ramener à la religion comme valeur soi-disant morale, et ne pas tout considérer comme tabou.
Avoir un esprit ouvert et curieux.
En tout cas, cette passion qui anime les filles Ziouani prend tellement d’énergie positive qu’elles n’ont pas le temps de traîner leur spleen ou leur colère dans la cité.
La rage qui bouillonne dans le coeur de Zahia Ziouani qui se rêve - que dis-je ?! -, qui ambitionne de devenir l’une des rares femmes cheffes d’orchestre est également positive.
En plus, la vraie Zahia Ziouani y est parvenue !
Voilà encore un récit solaire où la banlieue nous offre de belles personnes, loin des clichés habituels et répétitifs, même si ceux-là reflètent une réalité.
Les soeurs Ziouani (et les parents sont à inclure) prouvent que la cité n’est pas nécessairement un frein à toutes les ambitions, que tout est possible même issues de l’immigration. Il est certain que ça passe par le travail, même si des obstacles demanderont deux fois plus d’effort pour un jeune des cités et le double pour une jeune.
Les soeurs Ziouani prouvent que c’est possible et nous le savons : dans la classe politique, artistique et dans d’autres domaines professionnels, il y a des hommes et des femmes qui ont su braver le soi-disant « impossible », le « ce n’est pas pour moi ».
Je parle des soeurs Ziouani, mais le film de Marie-Castille Mention-Schaar parle aussi de ces nombreux jeunes de Stains et des environs du 9.3 qui partagent cette passion.
La réalisatrice s’est employée à ne recruter que de véritables musiciens capables de jouer aussi la comédie.
Bravo à eux.
Bravo à Marie-Castille Mention-Schaar pour sa direction et pour son exigence : faire appel à de véritables musiciens renforce la crédibilité du récit.
En ce qui me concerne, j’ai été très vite scotché par la trame et ému par le parcours de tous ces jeunes gens et en particulier des soeurs Zahia et Fettouma Ziouani respectivement bien incarnées par Oulaya Amamra et Lina El Arabi.
Oulaya Amamra m’avait impressionné dans le percutant « Divine », récit pessimiste d’une cité, mais aussi dans « Fragile » d’Emma Benestan où la cité était à son avantage.
Quant à Lina El Arabi, elle m’avait bouleversé dans « Les Meilleures » de Marion Desseigne - Ravel, récit audacieux sur l’homosexualité de deux jeunes filles d’une cité.
A ces deux films que je cite souvent, j’ajoute « Une histoire d’amour et de désir », de Leyla Bouzid comme valeur de référence. Films réalisés par des femmes qui m’offrent un tout autre regard sur les cités, loin des fameux clichés habituels décrits exagérément ci-dessus.
A ce jour, je rajoute « Divertimento » de Marie-Castille Mention-Schaar. D’elle, je pourrais ajouter « Les Héritiers », autre film sur des jeunes lycéens d’une cité qui m’avait profondément touché.
Au-delà du cliché, ce sont aussi des récits qui s’appliquent à balayer les préjugés.
Ils font du bien.
« Divertimento » aurait pu mal tourner avec ces fameux clichés banlieue versus Paris quand les soeurs Ziouani intègrent le lycée Racine. Les réflexions classiques fusent.
Pour exercer dans une école REP+ et pour avoir exercé dans un collège REP, les clichés sont la vie.
Pour avoir vécu une expérience récente cette année où une classe de notre école a participé à un projet au sein de l’Opéra de Nice, les clichés étaient bien présents.
Quelques uns de nos petits élèves traitaient les élèves de l’Opéra de « bourges » sous prétexte qu’ils étaient bien blancs avec des vêtements considérés comme indécents si lesdits petits bourges venaient à se promener dans leur cité !
« Divertimento » ne surligne pas trop les différences, mais on ne pouvait pas les occulter. Les clichés ont la vie dure mais la vie est un cliché comme j’ai pour habitude de l’écrire.
La scène où les musiciens parisiens volontaires se rendent à Stains pour participer au projet de Zahia était amusante. L’idée, quelque peu stressante, de se rendre à Stains - « passer de l’autre côté du périphérique » -, traduit bien une réalité qu’on ne peut passer sous silence.
Réalité ?
Cliché ?
Les deux mon capitaine !
J’ai apprécié que Marie-Castille Mention-Schaar se soit attardée sur le langage de la musique ; sur la capacité cérébrale de ses musiciens à l’appréhender ; je suis fasciné par leurs connaissances musicales en terme de mesure, de tempo, d’oreille, d’écoute, de pratiques, de concentration, de sensibilité, ils fréquentent les hautes sphères de la musique ; sur la gestique et ses significations ; sur cet apprentissage rigoureux et infini des musicien(ne)s ; sur la détermination et la frustration des soeurs Ziouani, et surtout sur l’illustration de leur passion comme ces scènes où Zahia s’enivre des sons émis de la rue mêlés aux partitions qu’elle fredonne dans sa tête.
On perçoit nettement que tout est musique pour elle car « la musique est la vie », propos que je partage pleinement.
Peu m’importe que le film soit de facture classique (!), j’ai vibré et c’est là l’essentiel.
C’est nettement mieux que « Maestro(s) » vu dernièrement.
Mais peut-on comparer le superficiel « Maestro(s) à ce « Divertimento » profond ?
Suis-je objectif ?
C’est un autre débat.