« La réalité, c’est le corps »… Ah bon ?
On sait le penchant prononcé de David Cronenberg pour la provocation. Depuis Vidéodrome ou La Mouche, jusqu’à Maps to the stars en passant par Crash, eXistenZ, et Cosmopolis, le réalisateur canadien aime choquer le public. Les 107 minutes de son 22ème opus sont dans le droit fil de toute sa filmographie. Alors que l’espèce humaine s’adapte à un environnement de synthèse, le corps humain est l’objet de transformations et de mutations nouvelles. Avec la complicité de sa partenaire Caprice, Saul Tenser, célèbre artiste performer, met en scène la métamorphose de ses organes dans des spectacles d’avant-garde. Timlin, une enquêtrice du Bureau du Registre National des Organes, suit de près leurs pratiques. C’est alors qu’un groupe mystérieux se manifeste : ils veulent profiter de la notoriété de Saul pour révéler au monde la prochaine étape de l’évolution humaine… Mais voilà, trop c’est trop, et le cinéma de Monsieur Cronenberg est victime de ses excès. Seulement il n’est pas le seul, le spectateur aussi.
Voilà un film totalement inclassable. D’ailleurs les sites spécialisés parlent à la fois de drame, de science-fiction, de thriller et d’épouvante voire d’horreur… A part la comédie, on a à peu près de tout. Et là-dessus, je tomberai d’accord, c’est bien un objet filmique non identifié. C’est avant tout d’un ennui mortel. Il y a quelques jours je parler de prétention pour le film de Desplechin, croyez-moi, ce n’est rien à côté de ce pavé indigeste jusqu’à la nausée. Ce grand machin glauque et abscons se révèle être avant tout une réflexion sur l’évolution de l’espèce humaine. Eh ben ! C’est pas riant ! Selon le cinéaste, il s’agirait d’une manière de poursuivre une exploration de la technologie liée au corps humain. Avec quelques questions à la clé : le corps humain peut-il évoluer de manière à résoudre des problèmes que nous avons créés ? Peut-il générer un système lui permettant de digérer les matières plastiques et synthétiques, non seulement dans le but d’apporter une solution au dérèglement climatique, mais pour croître, s’épanouir et survivre ? Pourquoi pas, mais en l’occurrence, on nous propose un gloubi-glouba insupportable, illustré de dialogues emphatiques jusqu’au ridicule. Donc, après huit ans d'absence au cinéma, Cronenberg est de retour derrière la caméra… j’aurais aimé qu’il ne quittât point sa retraite dorée. Il a, certes, conservé son talent de metteur en scène, son goût pour les ambiances, les décors et les lumières sophistiquées. Ce serait un régal, si le scénario présentait un quelconque intérêt. Un film inutile.
Quand on prend du recul, on s’aperçoit qu’on ne sait ni quand, ni où ça se passe. On ignore qui sont ces personnages névrosés qui s’agitent mollement devant la caméra, d’où ils viennent et pourquoi ils en sont arrivés à ces extrémités. Aussi, tout Viggo Mortensen, Léa Seydoux, Kristen Stewart, Scott Speedman… qu’ils sont, ils ne comprennent visiblement rien à ce qu’ils font et le spectateur est entraîné dans la même spirale. Je me demande si c’est tout à fait un hasard de constater que le grand Cronenberg a dû aller chercher des subsides en Grèce pour réaliser son film. Une production helléno- canadienne… une rareté. Bon vous avez compris, fuyez pour échapper à ce paroxysme de l’ennui bon chic bon genre, à moins que passer tout ce temps entre infanticide, détournement de cadavre, scarifications et cicatrices diverses et variées, présente un quelconque attrait pour vous. Tous les dégoûts sont dans la nature.