Philipe Carion nous a habitué à ce genre de film, à mi-chemin entre le sourire et les larmes, à traiter de sujets (très) lourds en choisissant l’angle de l’humanité. C’était le cas avec « En mai fais ce qu’il te plait » ou « Joyeux Noël », c’est aussi le cas ici avec « La Belle Course ». Son film est très proprement réalisé, la traversée de Paris en taxi ne se cantonne pas aux beaux monuments et aux grands boulevards mais quand même, c’était trop tentant de les montrer de nuit et soigneusement éclairés ! De la Bastille à l’Opéra, de la Tour Eiffel à République, il n’en manque pas beaucoup quand on fait e compte ! Mais peu importe au fond, Carion se fait et nous fait ce petit plaisir attendu, c’est de bonne guerre. Son film est parsemé de petits flash-back sur la vie de Madeleine, certains très courts, d’autres plus longs, mais ils ont l’avantage de rythmer son propos sans en faire un film d’époque en costume. Il y a une vraie dualité qui est montrée, celle d’une vieille femme malicieuse et pleine d’humour et cette qu’elle a été, percluse de désillusions et de drames.
Les deux plus grands drames de sa vie, deux deuils, ils ne sont pas montrés mais juste évoqués, parce que parfois quelques mots ou une simple image en disent plus long qu’un flash back de trop.
La reconstitution est un peu minimaliste mais assez soignée, la musique très sympathique, souvent de la musique des années 50-60, souvent du jazz, pour bien illustrer la vie de Madeleine. Dans sa forme « Une Belle Course » n’a rien de révolutionnaire ou de grandiose, c’est une sorte de road trip au ras du bitume parisien, sans temps morts, sans scène de trop (sauf à la fin, mais j’y reviendrais). Peu importe les quelques seconds rôles, d’ailleurs parfaitement tenus par Alice Isaaz ou Jérémie Laheurte, ce film tourne quasiment exclusivement sur le couple Dany Boon/Line Renaud. Danny Boon en fait le moins possible, dans le bon sens de terme : il reste hyper sobre, très en dedans et on sent qu’il s’efface volontairement (et affectivement) devant la délicieuse Line Renaud. Plus de 90 ans au compteur, des difficultés bien naturelles à se mouvoir, elle trouve ici un rôle de femme fragile dans son corps et forte dans son âme. Son personnage a vécu tant de drames et les racontent pourtant avec une douceur presque détachée. Elle raconte des choses terribles avec des mots toujours choisis dans le registre de la nuance, sans rien relativiser, mais sans rien dramatiser non plus. Une autre comédienne n’aurait peut-être pas pu trouver cet équilibre entre la comédie et le drame absolu. Line Renaud, qui en a vu d’autres, sait où placer le curseur, on peut mette cela à son crédit. Le scénario de « une Belle Course » est finalement assez attendu,
même s’il nous réserve un petit rebondissement qu’on n’avait pas imaginé, qui est central dans l’existence de Madeleine, qui va décider finalement de ce que sera sa vie. Elle raconte ce GI qui l’a séduite et lui a fait un enfant avant de repartir, son statut de fille-mère, ce mariage désastreux qui a scellé son destin.
En fait, ce qu’elle raconte, c’est une histoire de femme comme il y en avait tant avant 1968, des femmes sous la coupe d’une société patriarcale.
Mais elle, un jour, décide que cela suffit. Elle raconte le prix exorbitant des premiers combats féministes, ce que le personnage de Charles, homme de 2022, semble presque découvrir !
J’ai néanmoins une grosse réserve sur la fin du film, tire-larme et attendue comme je le craignais. Cette fin, que j’ai vu arriver à des kilomètres, me fait l’effet d’un scénario qui cède sur la fin à une grande paresse. Jusque qu’à 10 minutes de la fin, le film tenait la route et laissait un souvenir délicat de sucré-salé. Dommage vraiment de ne pas avoir su arrêter le film à la fin de la course
et d’avoir cédé aux sirènes de ce que je pourrais qualifier de « happy end obligée ».