Compartment No. 6 nous fait voyager pour nous amener en Russie, vraisemblablement quelques années après la chute de l'URSS, où l'on va suivre une jeune finlandaise en quête d'un site archéologique, et un jeune russe en quête d'argent... Tout deux semblent en fait plutôt en quête d'eux-mêmes, une sorte de voyage initiatique, où ils vont apprendre à se connaitre petit à petit, pour se forger une amitié le temps d'un voyage. Un "train-movie" russo-finlandais donc.
Le scénario peut paraitre simple, déjà vu dans ses grandes lignes, mais Juho Kuosmanen lui donne de la profondeur et de l'originalité, en entremêlant ces deux personnages très bien écrits, avec leurs caractères et leur façon d'être que tout semble opposer. On n'en apprend pas plus que le strict nécessaire sur eux : D'où ils viennent, ce qu'ils cherchent dans leur vie, cela n'est pas abordés (et le savent-ils eux-mêmes ?), on apprend simplement à les connaître au fil du film, et c'est là toute la qualité du scénario.
Les personnages secondaires qui apparaissent au cours du film viennent renforcer ou questionner la relation entre les deux personnages, un peu à la manière de personnages de contes qui aident les héros dans leur quête. Bien souvent, ils ajoutent également du "charme russe" au long-métrage.
Car c'est là l'autre force de Compartment No. 6 : On est vraiment transposés dans un train longue distance russe, avec la prodvonitsa (cheffe de voiture), le thé servi à volonté, les Platskart (voiture couchette de 3e classe), les babouchkas, la voiture-restaurant, le partage des repas et plus globalement de son temps avec des inconnus un temps compagnons de voyage, et surtout, la lenteur du périple. Toute une ambiance si typique et très bien retranscrite à la fois dans la narration, mais aussi dans la réalisation.
Les scènes dans le train sont très souvent filmées caméra à l'épaule, un peu tremblotante, en plan rapproché, comme si la caméra était un troisième personnage regardant silencieusement la scène. A l'inverse, les plans en extérieur sont plus souvent des plans fixes et larges, pour mieux retranscrire l'immensité de l'arctique et l'immobilisme des grandes villes ouvrières soviétiques. Le travail sur la lumière est également très réussi, avec beaucoup de nuances de gris à l'extérieur, jamais trop lumineux (l'hiver dans le nord en somme), et des touches de couleurs plus chaudes dans le train avec les éclairages du train, qui viennent adoucir les traits des visages des personnages.
La pénombre est souvent présente (sans que les plans soient illisibles), l'image a donc un certain grain, qui là encore rend bien dans cet environnement si spécifique des trains de nuit russes en hiver.
Le film réussit donc bien son pari de nous retranscrire cette lenteur du voyage, laissant le temps aux personnages de se développer, dans une atmosphère intimiste, faisant du spectateur des compagnons de route de Laura et Lioha. On suit avec plaisir un bout de leur vie, le temps du trajet, sans avoir besoin d'en savoir plus, de savoir ce qu'il adviendra d'eux, juste touché par le moment passé en leur compagnie et par leur humanité.