Fils d’un producteur et d’une scénariste, il était naturel pour Hugo Sobelman de faire carrière dans le monde du cinéma. Il a d’abord enchaîné les petits jobs (livreur de rushs…) avant de devenir assistant mise en scène et de réaliser des courts-métrages. Soul Kids est son premier long : « J’aimais bien les choses sur le vif ; c’est pour cette raison sans doute que le documentaire ne m’a pas fait peur. J’avais une spontanéité avec la caméra, et un univers qui venait autant de la fiction que du clip, avec la musique en toile de fond, qui est l’autre grande passion de ma vie. »
À l’été 2016, le réalisateur a voyagé pendant six semaines entre Chicago et la Nouvelle Orléans pour découvrir la musique locale : « J’avais une caméra et une longue focale avec moi (la Sony A7S avec laquelle on a fait Soul Kids d’ailleurs). Nous avons rencontré énormément de monde, et compris un peu plus la culture du Sud, le lien entre les musiques (jazz, soul, hip hop) et l’histoire orale dans les communautés africaines-américaines, avec les luttes sociales en toile de fond… » De retour à Paris, il a présenté un montage à ses producteurs qui lui ont permis d’y retourner avec un chef opérateur et un ingénieur du son.
Fondé à Memphis en 1957, Stax Records est un pilier de l’histoire de la musique américaine et le label de musique soul le plus connu. En 15 ans, Stax a vu 167 chansons classées dans le Top 100 des charts pop, et 243 hits dans le Top 100 des charts R&B. Fondée en 2000, la Stax Music Academy (SMA) est un institut de musique situé juste à côté du bâtiment du légendaire label soul des années 60-70, qui accueille aujourd’hui le Stax Museum of American Soul Music. La SMA prolonge l’héritage de la Stax en éduquant les musiciens de demain.
C’est lors de son second voyage aux États-Unis que Hugo Sobelman a découvert la Stax Music Academy, qui allait devenir le sujet de son film : « il y avait là tout ce que je cherchais. L’idée de la musique qui pense et qui panse, cette idée de la connaissance de soi, qui est très importante dans la communauté africaine-américaine, mais aussi les personnages, et mon envie de faire un film choral. L’endroit agrégeait parfaitement les deux grandes thématiques que j’avais en tête depuis le début : la musique et la lutte communautaire noire américaine […]. »
N’étant pas afro-américain, le réalisateur était conscient que la question raciale était incontournable. : « La sympathie a été facilitée par le fait que nous étions Français, et ils ont très vite été très ouverts. Au final, j’ai laissé les choses venir à moi, sans aller chercher des anecdotes sur le racisme, qui arrivaient naturellement, notamment dans les scènes de classe, où ils parlent continuellement de ces choses-là. Le film est un billet d’humeur, une photographie d’un moment dans la vie de ces étudiants. »
Le réalisateur a décidé d’intégrer à son film des images des gospels de Memphis, du concert Wattstax (concert de bienfaisance organisé en 1972 par le label Stax Records) et du mouvement pour les droits civiques : « ce sont des images que les gamins ont probablement vues, et les intégrer au film était donc une manière d’imaginer ce qu’ils pouvaient avoir dans la tête dans des moments d’extrême intensité, où ils réalisent qu’ils font partie d’une grande lignée. Je voulais évoquer ça de manière émotionnelle et pas didactique. »
Parmi les œuvres qui l’ont suivi durant la fabrication de Soul Kids, Hugo Sobelman cite Do the Right Thing de Spike Lee, The 13th d’Ava DuVernay et le clip de Black America Again de Common et Stevie Wonder, dans lequel on suit une femme en Louisiane, filmée de dos sur plus de six minutes en plan séquence. Pour le montage, c’est le travail de Roberto Minervini qui l’a influencé, dont le documentaire What You Gonna Do When The World’s On Fire ?.