Il n’y a pas que le titre qui fait frôler le genre de l’horreur à Panic Room. Larges trottoirs, problèmes de famille & enfant à problèmes, grande maison sombre (très sombre), Fincher pourrait être en train de nous refaire Sixième Sens si tout cela n’était pas qu’un masque.
La mise en bouche est dans le même goût, consistant à faire le tour de la propriété fraîchement acquise comme dans un film de fantômes : personnages & spectateurs découvrent ainsi simultanément ce qu’on peut craindre dans cette maison sombre (très sombre). Le réalisateur tient à ce que tout se passe là, dans ce décor à six millions de dollars où les planchers sont en bois mais ne grincent jamais. La formalité immobilière remplie, la caméra pourra, sans confuser, allègrement traverser tous les murs (et… voir à travers le sol ? dakor) histoire de nous rappeler par ses mouvements de fantôme (wink wink) que c’est un petit peu un film d’horreur, hein, vous oubliez pas.
S’il en est trop fait visuellement, on peut difficilement cracher sur la topographie d’une maison (sombre, très sombre) qui est exploitée à fond. La menace suinte de partout avant que le réalisme n’impose sa lourde chappe : ce n’était pas une menace, simplement le manque de familiarité avec le lieu. Car voilà un trio bien peu fantômatique de scélérats qui effracte en catimini pour dérober le butin que Foster & sa fille Stewart ignorent détenir chez elles.
Ce sont les trois criminels qui, par leurs répliques, apportent le côté thriller que Fincher cultive, avec trois différentes façons de faire : Whitaker la clémence, Leto l’irritabilité et Yoakam la psychose. Une guerre va s’installer entre hommes & femmes, lesquelles s’enferment dans la ”panic room”, la pièce sécurisée garantie ”les-méchants-ne-vous-attraperont-pas”. Sauf qu’ils vont essayer.
Les acteurs donnent une saveur de tension très appréciable qui est longtemps raccord avec la saturation de tactiques & de contre-attaques chauffant cette guerre au rouge, la laissant toutefois un peu cramée, avec la sensation que Fincher a trop titillé la fibre de l’espoir (un ingrédient hautement inflammable). Pendant qu’on est dans le film, la magie opère cependant, car on a du plaisir à voir des acteurs intelligents (Whitaker & Foster en premiers) faire des trucs intelligents les uns contre les autres.
C’est là, malgré que les acteurs fleurent bon l’intégration mûrie par un scénariste à la hauteur de Fincher, qu’on devine un casting pas forcément bien trouvé. Peut-être avait-on trop habitué Foster aux grands espaces pour lui donner un rôle claustrophobe, ou bien Nicole Kidman avait-elle laissé une humeur réprobatrice sur le plateau en lui cédant sa place, mais en tout cas, ça ne va pas : Whitaker est trop charismatique pour jouer le gentleman cambrioleur, Leto trop sérieux pour laisser l’empreinte de son instabilité, & Foster trop monovisage pour faire croire à l’adrénaline. Yoakam marche bien mais il est en porte-à-faux sur différentes versions anachroniques du personnage psychopathe.
Panic Room est un thriller magnifique, presque parfait en fait, mais convaincu de pouvoir s’autogérer. Il marche tout seul, ce qui veut dire ici qu’il est SEUL à marcher, en complet décalage avec ses composants (visuel, acteurs, morale) dont il se fait des ennemis. Résultat : pour que le film ait une scène d’empathie à peine passable où Whitaker est supposément confronté à son gentil fond, il lui faut des échafaudages tour-eiffelesques de situations abracadabrantes & de réflexes extravagants.
On navigue facilement en lui parce qu’il donne très envie de manger du popcorn en oubliant de réfléchir, mais c’est la réémergence d’un Fincher honnête qui nous retient : en guise de conclusion, Foster a guéri sa claustrophobie, elle réclame de l’espace & un travelling contrarié agrandit Central Park pour elle sur un fondu au noir. Damn, David, tu pouvais pas faire ça le reste du temps plutôt que d’épater la galerie avec tes VFX ?
→ https://septiemeartetdemi.com/