Après « Maestro(s) » suivi de l’étonnant «Divertimento » je conclus mon été avec « Tár »; trois récits sur l’univers de la musique classique et plus particulièrement sur des portraits de chefs d’orchestre.
Avec « Tár », Cate Blanchett incarne un personnage à double facette : face lumière, une artiste, érudite et fascinante ; face sombre, une femme troublante et troublée.
Le film débute sur une longue masterclass où l’actrice Cate Blanchett s’efface derrière les traits d’une Lydia Tár, une cheffe d’orchestre rayonnante de connaissance, d’assurance, de maîtrise de soi.
Puis, on la découvre lors d’un cours où un jeune musicien déclare ne pas aimer Jean-Sébastien Bach sous le prétexte surréaliste qu’il est cisgenre et que le compositeur n’appréciait pas les pangenres comme lui.
Jean-Sébastien Bach ne serait pas le seul à être écarté.
Non seulement ce jeune homme ne contextualise pas l’époque de Jean-Sébastien Bach, mais il se révèle être un esprit fermé, intolérant, d’une radicalité incompatible avec un esprit artistique.
Ce jeune n’a rien à faire dans les hautes sphères de la musique.
Le réalisateur prend une nouvelle fois son temps dans le déroulé de la conversation entre Tár et l’apprenti musicien. Un déroulé maîtrisé par une Tár qui finit par ridiculiser et abattre le jeune musicien avec une pointe de mépris.
Apparemment Tár tient à séparer l’artiste de l’homme ; elle tient compte des mentalités, des ignorances et autres interdits de l’époque.
Tár femme et lesbienne, avoue s’être battue pour imposer sa personnalité dans un monde d’hommes. Evidemment, elle pense que Jean-Sébastien Bach l’aurait vilipendée pour son orientation sexuelle, pour son arrogance à devenir cheffe d’orchestre, seulement elle ne s’arrête pas à l’homme, elle voit au-delà de l’homme : le compositeur de génie.
Elle fait preuve d’indulgence, de hauteur, d’intelligence tout simplement, contrairement au jeune musicien.
Alors je me dis : le sujet du film serait-il de faire le distinguo entre l’homme et l’artiste ?
Il y a quelques semaines se déroulait la Mostra de Venise. Un collectif de femmes a tenu à manifester contre la présence de Roman Polanski et de Woody Allen avec cette banderole : « J’accuse l’homme, j’em*** l’artiste ».
Pas vraiment.
Selon Todd Field, Tár la femme et Tár l’artiste se confondent. Todd Field ne chausse pas son récit de gros sabots, femme et artiste manipulent avec subtilité.
Le sujet serait-il plutôt la manipulation, alors ?
Sans doute.
Si Tár manipule,
elle est elle-même manipulée par les réseaux sociaux. Le lynchage dont elle est victime n’est rien d’autre que de la manipulation d’images qui s’appliquent à la discréditer et contre lesquelles elles se révèle impuissante.
Puissance des petits
qui s’arment de média qu’ils manipulent avec aisance contre la puissance d’une femme qui manipule jusqu’à son entourage professionnel puisqu’elle s’emploie à ne pas appliquer ce qu’elle demande aux autres de faire.
Tár, déchue de son piédestal, devra ravaler ses ambitions faites de manipulations.
Cela dit, Tár est un personnage fascinant par son érudition musicale, incarnée par une Cate Blanchett tout aussi fascinante ; elle arrivera à défendre avec subtilité un personnage d’une complexité troublante.