Ai vu "Tar" de Todd Field. Je suis musicien professionnel alors, des chefs d'orchestre j'en ai connu des qui dirigeaient avec une hache entre les mains, d'autres dont les préférences sexuelles biaisaient totalement le bon déroulement des répétitions, certains totalement sadiques, d'autres dont la froideur approchant du vent glacial vous paralysait avant de chanter quoi que ce soit, des dictateurs grotesques, des qui se pensaient compositeurs, des qui ne connaissaient aucune des règles du savoir vivre.... Lydia Tar, jeune cheffe du philharmonique de Berlin qui vient de faire paraitre son autobiographie cumule toutes les Tares. Donc nous nous trouvons devant un personnage pendant 2h38 dont la subtilité est proche de zéro. Pour un musicien, presqu'aucune des situations ne sont crédibles. De la master-class à la Jullliard School où un étudiant clame haut et fort qu'il ne dirigera jamais du Bach car c'était un misogyne, hétéro qui a fait 20 mômes à sa femme (aucun étudiant à ce niveau ne peut tenir des propos aussi puéril) , au couple que Tar forme, comme par hasard avec la Première Violon de l'orchestre, à la rencontre "coup de foudre" dans les toilettes avec une postulante russe, juste avant un concours pour un poste violoncelle de rang
qui va forcément avoir des conséquences
, le voisinage avec le quart-monde sur le même palier du sublime pied à terre-bureau où travaille Tar, à son appartement immense tout en béton plus proche du bunker que d'un habitat... Le film a d'immenses atouts. Il prend son temps, mais souvent le metteur en scène oublie de dire "Coupez". Il est bien documenté et la looonnnngue interview qui ouvre le film est intelligente et juste, les loooonnnngs plans séquences qui laissent aux interprètes le temps de jouer sur la longueur leurs personnages. Mais autant la première heure est pertinente (même si je pense que les spectateurs non musiciens peuvent être vite dépassés devant tant de références et d'éruditions) la deuxième partie est un mélange de mauvais Polanski et de l'aberrant "Black Swann". Le seul personnage un peu touchant et que l'on est susceptible de rencontrer dans la vie de tous les jours est Francesca Lentini, jouée admirablement avec émotion et réserve par Noémie Merlant, l'assistante... forcément bouc émissaire de la Cheffe Super sTar... parce qu'une femme ne peut pas avoir de relation amicale et normale avec une autre femme, semble être un des messages de ce film. Les longs métrages ayant pour thème "la direction d'orchestre" est à la mode actuellement : Maestro(s) de Bruno Chiche, "Divertimento" de Marie-Castille Mention-Schaar... je n'ai vu que "Tar" celui où il me semblait y avoir le plus de cinéma, si ce n'est de musique. Oui Cate Blanchett est un Stradivarius, c'est indéniable. Elle a un charisme hallucinant, elle chante, elle joue du piano, elle dirige... en tout point de vue elle est crédible et fait son travail d'actrice à la perfection. On reconnait qu'elle est une immense comédienne non parce qu'elle sait incarner ce personnage détestable, mais tout simplement parce qu'elle vole vers les étoiles dans un film qui sombre dans les abysses de la bêtise, sans se bruler les ailes. Dans une période où ENFIN le monde de la musique s'ouvre à la Direction d'orchestre aux femmes, il est incroyable que ce film réactionnaire fasse peser autant de failles sur ce personnage principal. Moi j'ai rencontré aussi des chefs d'une immense humanité, des révolutionnaires qui avaient une vision originale et évidente sur les oeuvres, des bons vivants aimant partager des moments avec les collègues musiciens autour d'un verre, des génies à qui l'on avait envie de tout donner, des qui naturellement doutaient, des qui étaient reconnaissants, des qui dispensaient leurs questionnements, des qui avaient de l'humour, des qui savaient dompter leur libido, des qui étaient sains d'esprit... et c'était la majorité de mes rencontres. Avec ce film qui commence pourtant très bien l'on est plus proche du Grand Guignol que de Haneke. Gratuitement Tarabiscoté, film bobo chic à la morale plus que discutable :
la repentance pour un chef se paye en allant diriger un orchestre amateur au fin fond de l'Amérique du Sud
... A vomir !