Il y a des histoires qui n’ont pas besoin de justifications pour commencer. Arnaud Desplechin est passé maître dans l’art d’explorer la psyché de ses personnages mutilés et ne cesse de multiplier les regards inquiétants, entre Lille et Roubaix. Avec l’appui de Julie Peyr au scénario, il va faire simple dans sa structure, qui pourrait faire un écho lointain au « Contre de Noël », où les rivalités sont également synonymes de fraternité. Ici, ce ne sera jamais vraiment l’un ou l’autre, juste la haine, née d’une origine inconnue et qu’on s’efforcera me garder secret jusqu’au bout de la réconciliation.
Un drame en appelle un autre et ça ne s’arrête plus. C’est le point de départ qui attire notre attention, avec une radicalité qui fascine, car on ne sait pas où se placer dans ce conflit familial, impliquant Alice (Marion Cotillard) et Louis (Melvil Poupaud). Ce dernier est en plein deuil, tandis qu’elle souhaite en partager la douleur. Cependant, une colère mutuelle les consume, jusqu’à frisé un ridicule qui ne tue pas. C’est une véritable partie de cache-cache entre le frère et la sœur, qui ne peuvent se permettre de partager le même espace, dans un plan ou un autre. Desplechin souhaite ainsi sonder la nature de cette haine, particulièrement virulent et hystérique suivant les situations, qui les rappellent au chevet de leurs parents.
Face à un possible nouveau drame, ils se laissent persuader de leur autorité, mais ce sera bien leur fragilité qui sera de mise, où l’on rangerait bien la culpabilité et l’incompréhension dans le même panier de la dépression. L’intrigue a en cela une très forte fascination pour ces êtres qui cherchent à tout prix à entretenir leur rage respective, quitte à manipuler leur entourage ou à trouver du soutien, afin d’alimenter le cercle haineux. Entre l’actrice de théâtre et le poète, il y a comme un lapsus qui les rend aussi détestables l’un comme l’autre. Nous avons l’impression de vivre deux films différents, avec deux parcours bien différents dans la gestion d’une crise qui les dépasse, car jamais ils ne se sentent vraiment concernés. Seuls leurs intérêts les préoccupent, en évitant tout contact visuel. Mais à côté de ça, des relations se développent à peine et feignent de rendre la prochaine réunion familiale pertinente.
Ainsi, « Frère et Sœur » cherche à stimuler une haine qu’il convient de bombarder sur son vis-à-vis. L’échange de ping-pong fonctionne un temps, avant que l’on se fasse à l’idée que cet interminable conflit puisse en éjecter plus d’un hors du ring. Il n’y a rien de mal à vouloir percer le mystère du problème, mais le résultat n’en vaut pas la peine, si c’est pour le catapulter entre deux rayons d’un supermarché. Si ce genre de récit finira par trouver son public, il restera ceux qui n’ont ni la patience, ni la vaillance de se lancer dans une analyse qui égare des personnages secondaires intéressants, émancipés de toutes contraintes, qu’elles soient d’ordre social ou familial.