Un premier pas de géant dans l'univers farfelu de Wes Anderson, La Famille Tenenbaum est le premier film à "grand budget" (si l'on peut appeler une vingtaine de millions un grand budget, face aux blockbusters à centaines de millions...) qui permet à Anderson, avec ce confort financier, d'asseoir son style visuel bien singulier tout en s'offrant un casting irrésistible. Comment ne pas flancher lorsqu'on voit un film d'auteur qui réunit Bill Murray, Gwyneth Paltrow, Ben Stiller, Owen Wilson, Gene Hackman, Danny Glover et Alec Baldwin à la narration... Impossible, surtout lorsqu'on découvre le bon goût assuré du réalisateur en terme de musiques (du bon rock anglais, allant des Beatles, des Rolling Stones, des Ramones au coup de cœur personnel : Rock The Casbah de The Clash), de mise en scène (chaque plan est un tableau) ou encore la construction de personnages inoubliables en une fraction de seconde. Le veuf en survet' de sport rouge et ses deux sosies miniatures (ses fils jumeaux) qui sont phobiques de l'insécurité, le marin qui a choisit d'épouser la mer plutôt que sa propre soeur adoptive (dont il est fou amoureux), cette même soeur adoptive qui est totalement exclue de cette famille (le patriarche précise sans cesse : "adoptive"...comme une insulte) et s'empoisonne à petit feu, l'autre frère qui tourne de trop près autour des stupéfiants... Et bien sûr, le patriarche qui est un personnage repoussant, entre jalousie (il ne veut pas laisser sa femme refaire sa vie), désintérêt de ses propres enfants et égocentrisme assumé, il semble couronner parfaitement cette famille de dingues, filmée avec passion par un Anderson voulant imposer son style. D"ailleurs, le reproche que l'on fera à ce très beau film est le forcing du style andersonnien, ici tellement "imposé tel quel" qu'il en devient vite peu accessible au grand public et même aux amateurs, accusant une forme par chapitres assez incompréhensible (sauf en tant que délire personnel de l'auteur) et une rigidité militaire dans chaque plan (statique, face caméra voire en regard caméra, très bavard dans une intonation neutre...). Dur d'entrer dans la danse d'Anderson, ses prochains films seront bien plus avenants (quel délice que cette filmographie...). Sans renier ses précédentes productions, La Famille Tenenbaum est le premier film conséquent qui marque "vraiment" le démarrage de la filmographie unique d'Anderson, ici encore difficile d'accès mais très riche et intéressant.