Nouvelle avalanche de pièges tordus et de hurlements qui vont de pair, la saga "Saw" est de retour ! Avec rien de moins que son tueur originel sur le devant de scène en choisissant de situer ce dixième épisode entre le premier et le deuxième film (pour rappel, le bonhomme a rejoint l'au-delà à la fin du troisième ! On y retrouve donc un John Kramer à peu près dans le même état que l'on avait laissé la franchise, c'est-à-dire à l'agonie après un "Saw 3D" essoufflé par des intrigues faisant intervenir de multiples complices post-mortem du bourreau en chef, après un "Jigsaw" qui avait déjà eu un mal fou à raviver la flamme sawiesque et, surtout, après le catastrophique "Spirale", espèce de suite/spin-off policière aussi gênante que le jeu de son interprète principal Chris Rock...
Rongé par son cancer qu'il sait incurable, Jigsaw est comme ces derniers films: désespéré, à la recherche d'une solution ultime pour prolonger son existence et, à l'instar d'une rencontre fortuite qui va rééclairer le regard de Kramer de quelques bribes de lumière, on peut dire que les producteurs ont une belle idée en défiant la chronologie de la franchise pour en revenir à la source et faire la part belle à son tueur, plus humain que jamais face à la maladie et les injustices dont il est témoin (dont son propre sort).
Si ce nouveau long-métrage nous offre tout de même un piège inédit en ouverture, il le fait donc par un prisme différent, à travers les yeux d'un homme qui sait ne plus pouvoir accomplir la mission pour laquelle il se sent désigné. En cela, "Saw X" surprend en brisant la routine habituelle des films de la saga pour d'abord se focaliser sur la souffrance de son plus important pilier dévoré par le spleen fatal de sa tumeur et susciter l'empathie à son égard. Dans ce qui semble être sa dernière virée vers un miracle, il faut bien avouer que ça marche, le spectateur se retrouve émotionnellement rangé d'office du côté de John Kramer (toujours porté par un Tobin Bell bien conscient qu'il tient là le rôle de sa vie), sur un rythme crépusculaire, prenant le temps de nous partager l'infinie douleur et les éclairs d'espoir ressentis par cet architecte de la torture... Évidemment, chercher à faire d'un tel meurtrier une sorte d'anti-héros (et ici de façon encore plus appuyée que tout autre "Saw", un peu à la manière d'un "Don't Breathe 2" vis-à-vis de son vétéran aveugle) ne va pas sans susciter quelques soucis d'ordre moral mais on préférera plutôt rester sur la bonne volonté du film de proposer une alternative différente au ressort devenu conventionnel du groupe de protagonistes devant immédiatement subir les épreuves sanglantes de Kramer et de ses sbires...
Chose à laquelle va bien sûr revenir "Saw X" (on ne change pas une formule qui gagne) en proposant son lot de carnages diablement bien orchestrés et indissociables de la marque (on est plutôt dans le haut du panier de ce côté, avouons-le) mais, là encore, le film ne lâchera pas John Kramer du regard, nous laissant assister à "l'intime" de ce jeu inédit via ses coulisses pour mettre en exergue un duel psychologique bien plus personnel, plus intéressant thématiquement qu'à l'accoutumée, entre Jigsaw et un adversaire/victime tenace (un des meilleurs de l'ensemble de la franchise) parmi les participants et certains tiraillements internes autour de l'organisation du massacre.
Bon, comme d'habitude, la subtilité ne sera pas toujours de mise (cela reste du "Saw", quoi) et, même si le déroulement se veut plus étonnant, ponctué de références aux autres films (bonus pendant le générique compris), il faudra vraiment attendre le twist final, accompagné de l'inévitable thème culte de Charlie Clouser, pour que notre mâchoire se déboîte un minimum de surprise (en fermant gentiment les yeux sur l'espèce d'anticipation quasi-divine qu'il convoque), mais reconnaissons qu'en tant que dixième épisode d'une saga à laquelle on ne croyait plus trop, "Saw X" remet un bon coup d'huile salvateur dans les rouages devenus rouillés de ses pièges pour leur redonner le bel éclat méchant et sanglant qu'il manquait à leurs dernières représentations.
Cela va être sûrement bien plus dur qu'auparavant de tirer sur la corde en termes de suites (car le succès de ce dixième film est confirmé), notamment en faisant revenir une énième fois John Kramer d'outre-tombe, mais la partie est relancée avec "Saw X", c'est un fait. À voir maintenant si un onzième long-métrage saura à nouveau éviter les pièges mortels que les "Saw" aiment tant mettre en scène.