1er film, attention chef d’œuvre, « La légende du roi crabe » est de ces films où tout est splendeur.
« De nos jours dans la campagne italienne, de vieux chasseurs se remémorent l’histoire de Luciano. Ivrogne errant dans un village isolé de Tuscie, Luciano s’oppose sans relâche à la tyrannie du Prince de la province. La rivalité grandissante entre les deux hommes, alimentée par les passions et la jalousie, pousse Luciano à commettre l’irréparable, pour protéger celle qu’il aimait. Il dût s’exiler à l’autre bout du monde, en Terre de feu. L’infortuné criminel, entouré de chercheurs d’ors cupides, se met en quête d’un mystérieux trésor enfoui qui pourrait bien être sa seule voie de rédemption. Mais sur ces terres arides, seules l’avidité et la folie prévalent. »
Un film co-réalisé par deux réalisateurs trentenaires, qui se connaissent depuis le collège. Ces deux font partie de cette nouvelle génération italienne qui apportent avec elle de nouvelles formes de représentation cinématographiques, ils impriment une marque originale. Dans ce film, le 1er de fiction des jeunes cinéastes, tout est le fruit d’un travail, du scénario, aux plans qui rappellent des toiles de peintres animées, à la bande son qui nourrit la narration, aux acteurs qui créaient leurs propres personnages, la création semble complexe et entière à tous les niveaux du film, rien ne semble hasardeux.
Le récit à travers les légendes se transforme en scénario, le bouche à oreille d’un gîte de chasseurs, fruit de leur première collaboration de documentaristes, les hommes se racontent des histoires qui sont le point de départ des deux amis réalisateurs. Les lieux de tournage le début en Italie, genèse de l’histoire, jusqu’à Ushuaïa dans la grande île de la Terre de feu d’Argentine, c’est à l’autre bout du monde qu’il faudra aller chercher la fin de l’histoire de Luciano, telle une véritable ode aux aventuriers.
La bande son, de chansons traditionnelles aux contenus narratifs à la musique instrumentale qui dialogue avec les images, vient ajouter à l’histoire sans remplir l’espace inutilement. Elle prend sa place à travers les différents genres explorés.
Les réalisateurs ne conçoivent pas le cinéma d’auteur comme un genre cinématographique, ce qu'ils souhaitent, c’est explorer le cinéma de genre. On pense alors à « La Flor » dans le projet artistique, mais ici il est parfaitement mené, là où il s’étirait en 14 heures inégales, pour tenter de s’en approcher dans le/les films argentin(s) de Mariano Llinás.
L’acteur, Gabriele Sili, n’est pas un professionnel du cinéma, il n’est pas acteur mais artiste plasticien. Ses traits de caractères semblaient proches de ceux de Luciano, et il était un ami des deux réalisateurs. Ils ont tout naturellement pensé à lui. Comme une œuvre d’art, il a créé physiquement le personnage de Luciano. Sa grande silhouette élancée, nous fait penser au magnétisme d’un Nick Cave, son visage allongé a la complexité émotionnelle d’un Keaton Henson et son regard a la lassitude d’un Vicent Lindon barbu dans « Rodin ». Le résultat est d’une grande intensité, chez ce personnage anarchiste, rebelle et romantique.
L’image dans sa partie italienne du début du film, porte à l’écran des tronches, des belles laideurs en gros plans, un peu plus expressives les unes que les autres, dans une nature verdoyante, où travaillent les bergers. En Argentine seconde partie des aventures de Luciano contraint à l’exil, l’image embrasse l’immensité des paysages en grand angle, aux allures de western, la minéralité des lieux l’emporte sur les hommes qui y disparaissent. L’image n’est jamais poseuse pour autant, elle est belle, tout comme les chants qu’on entendra à plusieurs reprises, ils sont beaux mais ne prennent pas le dessus sur le film.
Le propos et les techniques de réalisation tendent vers l’essentiel, de l’être humain jusque sa dissolution à travers les paysages dans la nature et le minéral, le résultat est saisissant.
Il y a une dimension épique dans cette toile. Le film est très habité, très construit dans son intégralité, c’est une merveille de cinéma.