https://leschroniquesdecliffhanger.com/2023/10/18/linda-veut-du-poulet/
Linda veut du poulet a obtenu le Cristal du long métrage au Festival international du film d’animation d’Annecy 2023 et c’est une absolue évidence. Les larmes qui viennent caresser les confins de nos émerveillés sourires sont la démonstration des émotions qui nous traversent devant le grand écran.
« Au fin fond de notre mémoire, il fait nuit noire« . C’est par ce vers prémonitoire que s’entame le fantastique Linda veut du poulet !. Désespoir sombre du deuil passé et pourtant tout de suite dans le réel des couleurs d’une étincelante vivacité. Linda veut du poulet !, c’est une ode à la vie, au collectif, au solidaire, à ce qui fait lien. Un animé qui avec peu, dit tout. Un animé qui a tout compris.
L’absence traumatique du père qui va condamner Linda et sa mère à ce tête à tête où le quotidien c’est le manque. Papa n’est pas là pour aimer, pour réparer les fuites des éviers, pour prendre femme et enfant dans ses bras chaleureux. Papa n’est pas là pour faire son poulet aux poivrons. Mutilation indélébile des cœurs meurtris.
» Et papa, il a existé pour de vrai ? » demande Linda à sa maman Paulette.
« Oh que oui… «
On ne mesure jamais assez la désespérante et angoissante solitude des enfants le soir venu au moment du coucher, même avec la veilleuse. Rien ne saurait rassurer l’abandon. L’universalité de cette bouleversante quête de la chaleur parentale, jamais autant vivante que par son manque, est fondatrice et originelle. Des moments éphémères et éternels.
Linda veut du poulet ! est aussi un chantant appel au désordre car il prend place au cœur de la vie chère toujours plus chère pour les précaires. Jamais moraliste ou verbeux, mais affectueusement politique en ellipse.
Cette quête du poulet, métaphore de la renaissance paternelle va amener, mère, fille, tous les autres et nous avec, dans une folle farandole drôlement existentielle. La recherche de soi va irradier l’écran. C’est décalé, follement inventif, tout le temps créatif et toujours surprenant. Comme une jubilatoire variation de nos destins contrariés, une tempête d’optimisme qui abat les funestes prédestinations. Un chauffeur routier allergique aux plumes, mélomane et poète qui passe par là : « Pour l’embonpoint de ce chaste sein » entonne-t-il soudainement à la vue de Paulette. La poésie se loge dans chaque recoin des plans de Linda veut du poulet !
C’est profondément généreux, humaniste et solidaire. C’est aussi complètement hilarant dans ce contraste permanent qui vire au tendre burlesque. Ça foisonne de jouissives dingueries, c’est tout à la fois esthétique et troublant d'emotions. Ajoutez la délicieuse et envoutante Juliette Armanet au générique, et dans cette réussite de tous les choix scénaristiques, de narration, de mise en scène, du trait de crayons, de voix, vous obtenez un petit chef d’œuvre d’animé.
Linda veut du poulet !, c’est une formidable déclaration d’amour à l’amour filial. « La recette du poulet aux poivrons, c’est celle de mon père « , alors Linda veut du poulet! , et nous aussi, follement…