Sean Penn a réalisé un thriller à sa façon, loin des canons hollywoodiens trépidants. Tout en lenteur, sensibilité, complexité. Malgré une tension latente, le film est presque berçant. L'histoire avance au rythme du personnage principal, jeune retraité qui s'installe dans un coin de nature idyllique et reculé, pour s'adonner à la pêche, mais surtout pour mener tranquillement et sûrement son investigation, devenue son obsession. Sean Penn s'intéresse bien plus à la quête morale et à l'évolution psychologique de l'ancien inspecteur, qu'à l'intrigue proprement dite. Et c'est en cela que son film est riche. Se dessine peu à peu un personnage ambigu, qui semble dériver entre logique et irrationnel, la rigueur policière croisant l'affectif et, plus original, l'univers des contes pour enfants (très présents tout au long du drame). Jerry Black paraît à la fois sincère dans les sentiments qu'il porte à la femme et à la fillette recueillies sous son toit, et calculateur, se servant de la petite comme d'un appât pour capturer le tueur. En bon pêcheur qu'il est. Cette ambiguïté demeure jusqu'au dénouement, surprenant et amer, reposant sur un hasard tragique qui ajoute à la confusion et à l'émotion.
Émergeant d'un excellent casting, avec beaucoup de petits rôles, Jack Nicholson porte le film sur ses épaules. Moins cabotin que jamais, il est tout simplement parfait. Quant à Sean Penn dont c'est le troisième film en tant que réalisateur, après The Indian Runner et Crossing Guard (avec Nicholson aussi), il creuse un sillon intime, toujours empreint de compassion à l'égard des paumés, des gens qui se retrouvent à la marge. Ils abordent les violences personnelles avec douceur, les questions morales ou affectives avec un humanisme déchiré. C'était lourdement symbolique dans Crossing Guard. C'est ici plus subtil. Côté style, on note une vraie sensibilité à la nature, aux grands espaces. Certaines images sont magnifiques. Et cette qualité se confirmera dans Into the Wild. Reste cependant à éliminer quelques afféteries, notamment l'usage un peu abusif du ralenti. Mais globalement, sur le fond comme sur la forme, The Pledge est un film fort et inspiré.