Parfaite borne que «The Pledge» (USA, 2000) sur les sentiers de Sean Penn cinéaste. Y sont résumés tous les défauts et les qualités de son œuvre. Nourris d’un certain sentimentalisme, Penn se fourvoie dans l’usage excessif de procédé impressionniste. Dans l’amoncellement des tics penniens, cette aisance impressionniste côtoie une tendance subtile des sentiments. Réussir à diriger ainsi Jack Nicholson, pourtant reconnu depuis «The Shining» comme l’emblème d’un jeu pulsionnel, dans un régime aussi enfouis mérite pourtant, l’espace d’un instant, de faire abstraction des nombreuses imperfections dont souffrent le film. Sean Penn n’est pas un cinéaste du dehors, en ce sens qu’il n’aspire pas à peindre les allures de l’environ. Regard rentré, préoccupé par les phénomènes des émotions, Penn fait alors du dehors le paysage qu’en font les couleurs du cœur. En principe, ce n’est que l’application du processus artistique au cinéma : tracer les contours du monde par la palette de sa perception. De là dérive l’œuvre de Penn. Cantonné dans l’exercice de la peinture du dedans, Penn ne ressort pas, reste bloqué dans la cage du sentiment. En soi, les cinéastes du passé l’ont maints fois prouvé, le sentiment est un objet noble du cinéma. «The Pledge» repousse le sentiment jusqu’à sa plus profonde extrémité : la folie. Jack Nicholson, condamné par le destin, à ignorer le futur de son âme, se complait dans l’innocence des borborygmes débiles. Cette perte de conscience, ce jusqu’au-boutisme des émotions est le fruit d’une promesse que Jerry Black, inspecteur à quelques heures de la retraite, fait aux parents d’une petite fille assassinée et violée. Promettant sur le salue de son âme, Jerry se destine à la déraison. Comme dans un vase clos, ses sentiments peinent à s’extraire de leur irrationalité. Le film, pris par cette angoisse du dedans s’évapore, nous échappe. Allant parfois jusqu’à dicter la conduite des sentiments du film, Penn désinhibe ceux du spectateur. Une didactique caduque.